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d’autant, et la race va s’abaissant de même. Jusqu’à présent, quelque discutable que soit la théorie, comme on va le voir, elle est du moins très claire. On comprend moins aisément pourquoi la dégradation fait des progrès lorsque deux races dotées d’une même proportion de sang blanc viennent à s’allier ensemble. C’est là pourtant ce qu’affirme l’auteur. À l’en croire, tout croisement de races, quelque égales qu’elles soient entre elles, abâtardirait encore forcément le produit, et le ferait descendre d’un degré de plus dans l’échelle ethnologique. Avant d’aller plus loin, il faut examiner ces idées générales.

L’inégalité des races humaines est un fait, nous l’avons montré plus haut ; mais cette inégalité est-elle poussée chez quelques-unes d’entre elles jusqu’à l’inaptitude absolue ? L’état sauvage est-il nécessairement, pour les noirs en particulier, le dernier mot de la civilisation ? A la rigueur, on comprendrait cette opinion dans la bouche d’un partisan de la pluralité des espèces, mais non de la part d’un écrivain qui croit seulement à l’existence de races. Toutes les races qui se rattachent à une même espèce lui sont virtuellement égales, et sont de même égales entre elles. Ce sont autant de branches d’un même tronc. Certaines conditions les font diverger parfois outre mesure ; des conditions nouvelles peuvent ? les ramener à côté de leurs sœurs et les rapprocher jusqu’au contact. C’est sur ce principe qu’est fondée en zootechnie la pratique de l’amélioration des races par elles-mêmes, méthode qui compte aujourd’hui tant de partisans. Sans doute cette méthode est plus lente que celle des croisemens avec des types supérieurs. Daubenton mit dix ans à obtenir de nos moutons indigènes une laine aussi fine que celle des mérinos d’Espagne, tandis qu’en cinq ou six générations un bélier de cette dernière race transforme complètement le mouton français ; mais cette expérience célèbre, et bien d’autres faites depuis, prouvent que sous une direction éclairée la race animale la plus abâtardie peut se relever progressivement et donner des produits supérieurs. Ce qui est vrai des animaux l’est incontestablement de l’homme. En supposant que la race nègre ait partout commencé par l’état sauvage, il faut bien reconnaître, sans tomber dans les exagérations de quelques philanthropes plus zélés qu’éclairés, que sur quelques points de la Melanésie, et surtout en Afrique, elle a grandement amélioré son état primitif. Il est vrai que M. de Gobineau attribue la formation des moindres sociétés noires à l’influence de quelques gouttes égarées du sang régénérateur ; mais c’est là une de ces assertions toutes gratuites auxquelles il est permis de ne pas s’arrêter.

Est-il vrai que le croisement soit par lui-même et nécessairement une cause de dégradation ? Ici, à vrai dire, l’expérience sur les animaux