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nous manque. Chaque jour, il est vrai, l’homme allie entre-elles des races différentes, mais c’est toujours en vue d’un but déterminé, et en général pour relever l’une des deux. Les mêmes reproducteurs sont, à chaque génération, croisés de nouveau avec les métis déjà obtenus. Par conséquent, la race nouvelle se confond de plus en plus avec le type supérieur, et pour peu que le milieu s’y prête, elle finit par le reproduire. C’est juste ce qui se passe dans les colonies, où les mulâtres, devenus tiercerons, quarterons, etc., finissent par ne pouvoir plus être distingués des blancs.

Chez l’homme toutefois, cette marche constamment progressive vers la race supérieure n’est en définitive que l’exception. Les populations métisses, auxquelles a- donné naissance le contact de la race blanche avec tous les peuples du monde, sont généralement refoulées sur elles-mêmes par le mépris qu’elles éprouvent pour leurs parens jaunes ou noirs, par celui que leur rendent leurs parens blancs. Partout les mulâtres, les zambos, etc., s’allient entre eux et au hasard pour ainsi dire. Il y a donc là des expériences toutes faites sur l’espèce humaine, expériences dont le résultat répond à la question que je posais tout à l’heure. Partout où des observations précises ont été faites, les métis se montrent supérieurs à la race colorée, presque égaux et parfois supérieurs, à certains égards, à la race blanche elle-même. Etwick, dans son Histoire de la Jamaïque, avait remarqué depuis longtemps que le sang le plus noble exerçait sur le produit une influence prépondérante, et les faits lui donnent pleinement raison. Aux Philippines, les métis sont très nombreux ; ils dominent à Manille et forment une classe active, industrieuse, brave, qui a déjà arraché à la métropole de sérieuses et justes concessions. À peine est-il besoin de rappeler ce qu’étaient à Saint-Domingue ces hommes de couleur qui ont expié si cruellement leurs alliances avec les noirs. Les travaux publiés dans la Revue sur Haïti ne peuvent laisser en doute qu’ils ne fussent, à bien peu de chose près, les égaux des créoles blancs[1]. Au Brésil, grâce à sa valeur intellectuelle et morale, la race croisée de blanc et de noir à su vaincre en grande partie le préjugé du sang, et elle est surtout remarquable par des aptitudes pour la culture des arts bien plus développées chez elle.que chez les blancs de race pure[2]. Dans ce même empire, nous trouvons une province entière habitée par une race croisée d’Européens et d’indigènes. Quel a été le résultat de ce mariage ? Le cachet particulier

  1. Voyez les études de MM. Gustave d’Alaux et Lepelletier Saint-Remy, — 1er et 15 décembre 1850,15 janvier, 1er février, 15 avril, 1er mai 1851, — 15 novembre 1845.
  2. M. de Lisboa, Bulletin de la Société ethnologique ; M. Ferdinand Denis, Histoire du Brésil.