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des Paulistas, leur caractère chevaleresque, leur bravoure, leur persévérance ont été racontés ici même et ailleurs[1]. À en croire les témoins oculaires, ces métis de Ganayages semblent être aujourd’hui dans ces vastes régions les plus purs représentans de leurs ancêtres blancs, les vrais fils des Portugais de la grande époque, les véritables enfans des Gama et des Albuquerque.

On le voit, les faits contemporains se prêtent peu à la théorie nouvelle. Il y a plus : en partant des données mêmes qui lui servent de fondement, on devrait, ce me semble, arriver à des conclusions diamétralement opposées. En effet, l’écrivain que je combats n’accorde à l’homme noir que l’imagination et le sentiment des arts ; il réserve à l’homme jaune les instincts positifs et une aptitude régulière, constante pour les choses utiles. Que reste-t-il au blanc primitif ? À en croire l’Essai sur l’inégalité des races, le blanc manifesterait à peu près uniquement une énergie conquérante invincible reposant sur une très grande force physique et un amour effréné de la guerre. Joignons à ces qualités peu sociables un sentiment religieux assez borné, puisque le blanc croit pouvoir détrôner ses dieux et se mettre à leur place ; ajoutons encore la beauté corporelle, et nous aurons recueilli tous les traits de cette grandeur physique et morale dont il est question à chaque page, et que le mélange doit abaisser. Y a-t-il là cependant de quoi expliquer le rôle attribué à la race blanche ? Les faits invoqués à l’appui de cette opinion nous semblent conclure contre elle. Les Aryans primitifs, à en juger par ce qu’en dit l’auteur lui-même, vivaient dans une anarchie irrémédiable. Il nous sera toujours difficile de voir des missionnaires de la civilisation dans les Normands qui ravagèrent nos côtes, ou dans le squatter que la haine de tout frein exile au fond des forêts. Et pourtant les premiers seraient des espèces de demi-dieux réunissant tout ce que l’homme peut concevoir de grand, de noble, de beau ; les seconds, des héros, dominateurs à juste titre de toutes les populations contemporaines ; le troisième serait le digne héritier des uns et des autres, et, quoique bien dégénéré, il représenterait le dernier élément civilisateur que possède notre pauvre humanité décrépite.

En présence de cette conclusion, qu’il est permis de trouver étrange, on se demande quel est ce signe inniable de supériorité devant lequel s’efface tout le reste. J’ai lu le livre avec une attention croissante toutes les fois qu’il s’agissait de ce point de doctrine, et n’ai trouvé nulle part de réponse directe. Toutefois il me paraît que l’énergie guerrière séduit avant tout l’écrivain. Il se complaît à retracer

  1. Un Souvenir du Brésil (Revue du 15 septembre 1832), par Th. Lacordaire ; Histoire du Brésil, par M. Ferdinand Denis.