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Lyon, mais avec les seuls auxiliaires barbares : aucun Gaulois n’était venu se joindre à lui. L’opinion nationale, qui avait accueilli avec tant de faveur, en 407, un empereur et un gouvernement séparé de l’Italie, se prononçait aujourd’hui dans un sens opposé. Un état de choses qui conduisait à de pareils désordres ne semblait pas mériter qu’on versât plus longtemps son sang pour lui ; au moins était-ce là le sentiment d’un grand nombre d’hommes, et leur opposition suffit pour paralyser tout mouvement efficace en faveur de Constantin. Déjà même plus d’un notable de la Lyonnaise et de l’Auvergne, compromis dans le parti du tyran, cherchait à se rapprocher de l’empereur légitime et marchandait son pardon. Grâce à ces bonnes dispositions, Constance ne manquait point d’avertissemens utiles, et il connut en temps opportun la marche d’Edowig sur Arles, ainsi que les lieux où l’on pouvait lui couper la route.

J’ai parlé de la prudence de Constance : au milieu de Barbares qui calculaient peu ou mal et pour qui la vivacité de l’attaque constituait presque toute la science militaire, la prudence était une véritable force ; mais Constance semblait la pousser à l’excès. À la nouvelle de la marche d’Edowig, il se laissa troubler. Craignant de s’exposer dans ses lignes entre une armée fraîche et nombreuse et cette garnison qui se défendait si vaillamment, et d’avoir lui-même un double siège à soutenir, comme Jules-César dans les lignes d’Alésia, il résolut, dit-on, de décamper et de regagner au plus tôt les Alpes. Les conseils de ses amis le rassurèrent, et il adopta définitivement le meilleur parti, celui d’aller au-devant d’Edowig, afin de le combattre seul à seul et à son avantage avec ce que son armée avait de meilleur en infanterie et cavalerie. Après avoir habilement masqué son départ, il passa le Rhône, et alla se poster dans un lieu qu’on croit être situé près de la ville de Beaucaire. La route romaine en cet endroit se resserrait entre des rochers et le fleuve, et un bois épais, étendu sur les coteaux voisins, permettait de dresser une embuscade à coup sûr. Constance y fit filer sa cavalerie sous la conduite du général goth Ulfila ; lui-même se tint avec l’infanterie dans une petite plaine où venait déboucher la route après son étranglement. Edowig, moins bien informé que son adversaire, donna tête baissée dans le piège. Constance le laissa s’engager jusqu’au bout dans le défilé, puis, à grand fracas de trompettes et de clairons, il le fit charger de front par son infanterie, sur le flanc par sa cavalerie. La troupe d’Edowig, rompue, écrasée, culbutée dans le Rhône, fut mise en pleine déroute : il y eut dans les rangs des Barbares un sauve-qui-peut général ; les uns voulaient passer le fleuve à la nage et furent entraînés par le courant, d’autres se portaient vers le coteau, où la cavalerie les intercepta et les tailla en pièces.

Edowig, parfaitement au fait des lieux, s’enfonça dans le bois par