Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE ROMAN


DE LA VIE DOMESTIQUE


EN ALLEMAGNE




MM. GUSTAVE FREYTAG ET OTTO LUDWIG


I. Soll und Haben (Doit et Avoir), par M. Gustave Freytag ; 3 vol., 6e édit. Leipzig 1856.

II. Zwischen Himmel und Erde {Entre Ciel et Terre), par M. Otto Ludwig ; 1 vol. Francfort 1856.





En Allemagne comme en France, le roman, depuis un demi-siècle, a traversé bien des vicissitudes. Goethe, signalant un des premiers l’importance de ce genre si bien approprié à la peinture des choses modernes, ne craignait pas de l’appeler une épopée domestique. C’était proclamer d’un mot l’idéal qu’on devait poursuivre ; il y a toute une poétique dans cette définition. Écrire une épopée domestique, c’est dégager de la vie réelle tout ce qui est digne de la poésie, c’est tracer le tableau des joies et des douleurs, des luttes et des victoires qui peuvent agiter l’existence la plus humble. Malheureusement le nombre n’est pas grand des écrivains qui se rappelèrent la définition du maître, et le maître lui-même ne s’en souvint pas toujours. Cette forme du récit se prêtait trop complaisamment à toutes les fantaisies des conteurs ; le but sérieux fut vite oublié, et soit qu’on mît en scène l’histoire ou la philosophie, soit qu’on fît du roman une prédication altière ou un passe-temps frivole, on cherchait plutôt à étonner les esprits, à exciter les sens, qu’à extraire de la réalité familière les poétiques élémens qu’elle renferme. Est-il besoin de raconter ici les phases de cette histoire ? Je signalerai seulement