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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/71

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son ami ; il entraîna Georges aux Champs-Élysées, où sa compagnie paradait, le contraignit à le suivre à l’hôtel de ville, où il était de garde le soir, et le mena souper au café Anglais. Au bout de trois jours, M. de Francalin fut las de cette existence tapageuse et partit pour Beauvais.

Mme la baronne Alice-Augustine de Bois-Fleury était bien telle que Georges l’avait représentée : elle occupait un vaste hôtel dans une des plus belles rues de la ville, et y recevait avec de grands airs le monde le plus distingué du chef-lieu. Quand son neveu arriva, elle était à sa toilette. « Priez M. le comte, mon neveu, dit-elle, de m’attendre dans le boudoir. »

Ce titre de comte qu’elle donnait à M. de Francalin était de son invention, mais elle le tenait pour authentique. Si, l’Armorial de France à la main, on avait voulu lui prouver que Georges n’y avait aucun droit, elle aurait déclaré tout net que l’Armorial de France était un sot et ne s’y connaissait pas. À bout d’arguments, Georges la laissait dire.

Mme de Bois-Fleury parut bientôt un éventail à la main, et dans l’attitude qu’elle aurait prise pour une présentation à la cour. Elle tendit sa main à M. de Francalin, qui la baisa.

« Je vous remercie de votre empressement, mon beau neveu, dit-elle ; il me prouve que vous êtes tout prêt à faire ce que j’attends de vous. »

Georges sourit.

« Je ne crois pas, belle tante, dit-il ; bien plus même, j’ai grand’peur que la race des Francalin n’expire avec moi. »

Mme de Bois-Fleury agita son éventail comme Mme la duchesse de Châteauroux aurait pu le faire quand un ministre du roi hésitait à lui accorder ce qu’elle demandait.

« Mlle de Valpierre dîne ce soir à l’hôtel, vous la verrez, » reprit-elle.

Mlle de Valpierre s’assit en effet à la table de la baronne et passa la soirée à l’hôtel, où quelques personnes firent un peu de musique et jouèrent au whist jusqu’à minuit. C’était une grande jeune fille blonde, qui avait l’air très-doux. Georges causa pendant quelques minutes avec elle. Quand il n’y eut plus personne au salon, la baronne montra à son neveu un fauteuil voisin de celui qu’elle occupait.

« Eh bien ! dit-elle, comment la trouvez-vous ?

— Suffisamment jolie et parfaitement bien élevée.

— Éléonore de Valpierre a dix-neuf ans et tient aux familles les plus considérables de la Picardie ; elle a, de plus, une fortune personnelle qui dépasse quatre cent mille francs.

— C’est fort beau.

— Si tel est votre avis, je n’ai plus qu’à demander sa main en votre nom ; elle ne me sera pas refusée. Embrassez-moi, mon neveu, et dormez bien. »