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la richesse publique, s’étendant ou se resserrant avec elle, est moins lourde assurément que celle des contributions directes, laquelle frappe sans trêve et sans discernement. Les états les plus avancés dans la science économique demandent aux contributions indirectes leurs principales ressources : ils savent qu’atteindre la production, c’est arrêter la richesse à sa source, tan dis qu’imposer la consommation, c’est lui demander le prix de l’existence qu’elle doit à la garantie sociale. On peut donc, sans fixer un chiffre au revenu que l’Espagne devrait tirer des contributions indirectes, remarquer combien la charge actuelle est faible. L’impôt des consumos, qui ne produit pas, même dans les prévisions du budget de 1857, plus de 55 millions de francs, loin de mériter la haine que lui a vouée le parti progressiste, accuse au contraire une assiette ou une perception insuffisante.

Quant au produit des contributions que les Espagnols appellent éventuelles, le présent est une garantie de l’avenir. En quinze ans, les rentes de la régie, rentas estancadas, ont plus que doublé. Les droits de douanes n’ont pas suivi la même progression malheureusement, et la faute en est à la contrebande, ce fléau de l’Espagne ; mais néanmoins le revenu des douanes s’est aussi amélioré. 1856 a donné sur 1855 un accroissement de 22 millions de réaux, de 48 sur 1854, de 39 sur 1853. Que n’obtiendrait-on pas, si on pouvait non pas même détruire, mais diminuer les effets de la contrebande ! On évalue en général au tiers, sinon à la moitié, des objets consommés en Espagne ceux qui lui sont fournis par la contrebande anglaise, qui s’exerce sur tout son littoral et qui pénètre par là frontière de Portugal, ainsi que par la contrebande française, qui franchit les Pyrénées. Le remède le plus efficace à ce mal serait une révision des tarifs espagnols, protecteurs au-delà de toute mesure. Plusieurs modifications ont été introduites en 1841 et en 1849 ; mais quoique tous les partis reconnaissent la nécessité de soumettre les douanes à un régime plus libéral, quoique l’équilibre du budget dépende en grande partie de l’augmentation de leurs produits, si bien que chaque ministère a toujours présenté comme une ressource prochaine la modification des tarifs, cette question est restée pendante, et on n’a pas cessé de reculer devant une véritable solution. Les intérêts particuliers, faciles à effrayer en Espagne comme partout ailleurs, ne manquent pas de s’insurger toutes les fois qu’on fait mine d’abaisser les barrières qui s’opposent à l’introduction des produits étrangers ; la contrebande elle-même est passée à l’état d’industrie nationale ayant droit à la protection, et les partis politiques ne se sont pas fait faute de ramasser à tour de rôle une telle arme, pour s’assurer, à tour « le rôle aussi, une popularité de mauvais aloi.