que celui qui s’importe de Canton en Europe; or cette cherté tient moins à la longueur du trajet qu’à une compensation imposée par les marchands chinois, qui n’achètent à un prix fort les draps et les cotonnades russes, grevés par les frais de transport et surtout par ceux d’une fabrication encore coûteuse, qu’à la condition de vendre leur thé au-dessus du cours. Cependant toute importation en Russie autrement que par les caravanes est frappée de droits prohibitifs, et les partisans des boissons chaudes supportent l’indemnité chinoise à la gloire et au profit de l’industrie nationale; c’est une prime d’encouragement pour l’aider à faire en Chine un commencement de concurrence aux tissus anglais, en y envoyant chaque année pour 5 ou 6 millions de cotonnades et 11 ou 12 millions de draps. Les draps, qui entrent depuis longtemps dans ce trafic, étaient tirés autrefois de la Silésie et de la Pologne; ils sont fournis aujourd’hui par les manufactures russes, qui ont à corriger, par la modicité du prix de revient, ce que ces transactions ont de factice. Quoi qu’il en soit, tandis que la Grande-Bretagne et l’Amérique entr’ouvrent le Céleste-Empire par mer et au sud, la Russie y fait sa brèche au nord et par terre, de sorte que l’intégrité de la clôture aura peine à se maintenir. La Russie fait plus : pendant sa guerre européenne, elle vidait avec la Chine une contestation pendante à propos d’un territoire arrosé par le fleuve Amour, non moins étendu que la France, et en prenait possession. Ses regards sont tournés de ce côté depuis longtemps. On a dit que Pierre le Grand, rêvant au point sur lequel il fixerait la capitale de son empire, avait d’abord choisi l’embouchure du Don dans la mer d’Azof; ce qui est plus étrange, c’est qu’il délibéra sérieusement avec lui-même s’il ne fonderait pas Pétersbourg sur les rives lointaines de l’Amour; un mémoire rédigé par ses ordres, exhumé tout récemment des archives de l’empire, ne laisse aucun doute à cet égard. Le géant voulait tout étreindre à la fois; en tout cas, il indiquait prophétiquement la seule mission où son peuple ne fera pas fausse route, une mission civilisatrice dans la Haute-Asie.
Un mot maintenant sur le commerce de l’empire avec les nations européennes. La Russie expédie des céréales, des bois, du lin, du chanvre, des graines oléagineuses, du suif, de la laine, de la potasse, etc.; elle reçoit des objets manufacturés, des spiritueux et des vins, des denrées coloniales, du sel, du charbon de terre. En 1852, ce commerce, Finlande et Pologne non comprises, s’est élevé à 862 millions, dont 408 pour l’exportation, 454 pour l’importation; en 1853, il a atteint pour la totalité à 920 millions; en 1822, la limite était de 360 millions. Quelle en sera la progression sous l’influence du réseau?
Toutes les lignes sont placées dans la direction même des cou-