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on peut dire qu’elle fait partie de la vie même de la nation, et qu’elle est le complément nécessaire de ses institutions politiques. C’est la presse seule qui anime et vivifie cet immense système électif; c’est elle seule qui suscite et entretient les compétitions, sans lesquelles les élections dégénéreraient souvent en de pures formalités; c’est elle seule qui, en attachant une signification à des noms propres, en associant une nomination au triomphe d’une idée ou d’un parti, appelle au scrutin les masses populaires. A un autre point de vue, le journal n’a pas moins d’importance : lecture des classes laborieuses, il est le grand éducateur du peuple; c’est lui qui instruit l’ouvrier de ses droits, qui le guide dans l’exercice de ses prérogatives civiques, qui le renseigne sur les hommes et les choses, qui combat et qui trop souvent fortifie ses préjugés. Dans un pays de suffrage universel, quiconque dispose des masses est maître des destinées nationales : lors donc que la majorité de la presse s’accorde à pousser la nation dans une voie, vers la paix ou la guerre, vers l’annexion du Texas ou la conquête de la Californie, et qu’aucun événement imprévu ne vient absorber l’attention publique, cette incessante prédication finit toujours par déterminer un mouvement d’opinion auquel rien ne résiste. C’est là un pouvoir immense, mais chaque journal n’en possède qu’une minime fraction, et qui ne suffit point à faire un piédestal à un homme. La collaboration à un journal, même considérable, ne donne donc point aux États-Unis ce prestige qui en Europe s’attache aux écrivains politiques : elle mène rarement à l’influence, plus rarement encore à la renommée.

On pourrait citer, comme preuve de l’importance acquise par les écrivains, la présence de plusieurs journalistes au sein du congrès : il est certain qu’en 1851 on en comptait six dans la chambre des représentans et quatre dans le sénat, ce qui est beaucoup plus significatif; mais il est douteux que ces représentans et ces sénateurs aient été élus uniquement comme écrivains. En outre, la carrière politique est aux États-Unis la moins fructueuse de toutes; elle ne tente guère ceux qui ont une fortune faite, et encore moins ceux qui ont une fortune à faire. Dans les états nouveaux, on est quelquefois embarrassé pour trouver quelqu’un qui veuille quitter tous les ans sa famille et ses affaires pour aller, à trois ou quatre cents lieues, siéger au congrès, et quiconque veut bien consacrer son temps à la politique est sûr d’y arriver promptement à la situation de chef de parti. Seulement, s’il est aisé de devenir une notabilité sur les bords de l’Illinois ou de l’Arkansas, il faut franchir encore bien des échelons avant de faire entendre sa voix de la confédération entière, comme les Clay, les Calhoun et les Webster. Entreprise toute personnelle, le journal aux États-Unis n’a d’autorité et de valeur que