plantes se passent très bien des artifices oratoires; mais lorsqu’il s’agit d’événemens historiques, c’est-à-dire d’actions conçues, préparées, accomplies par des hommes, nous ne voulons pas séparer l’émotion de l’enseignement. A cet égard, M. Poirson ne partage pas notre avis. Comment pourrions-nous en douter? Il expose les événemens compris entre 1589 et 1610 comme un professeur du Collège de France ou du Muséum d’histoire naturelle décrirait la croissance du chêne ou du palmier, la formation d’un sel ou d’un oxyde. Au point de vue scientifique, son exposé ne laisse rien à désirer : après avoir lu son livre, on sait touchant ce règne laborieux tout ce qu’il est permis de savoir; mais la science présentée sous une forme plus animée ne perdrait pas une parcelle de sa valeur. M. Poirson n’a pas tenté une seule fois de nous émouvoir : il acompte sur les habitudes studieuses de ses lecteurs, et s’il n’a pas obtenu tout ce qu’il espérait, on ne peut pas dire cependant qu’il ait été déçu dans son attente. Ceux mêmes qui ne jugent pas Henri IV comme il l’a jugé reconnaissent et proclament le caractère sérieux de ses investigations.
En voyant avec quelle persévérance l’auteur évite tout ce qui pourrait sembler attrayant, je me suis demandé si je devais attribuer cette résolution singulière aux fonctions qu’il a remplies pendant un grand nombre d’années, ou si quelque motif tiré de l’état présent de notre littérature n’était pas venu s’ajouter aux habitudes de l’enseignement. M. Poirson a longtemps professé l’histoire dans nos collèges, il a formé des élèves qui font aujourd’hui pour la génération nouvelle ce qu’il a fait pour la génération précédente; mais je ne crois pas m’abuser en affirmant qu’il y a derrière son dédain constant pour les artifices de la narration un sentiment plus vif. Depuis quelques années, nous avons vu se produire des œuvres qui se donnaient pour historiques, où l’éclat du langage ne réussissait pas à déguiser l’ignorance des faits. Ces œuvres qui n’enseignent rien, qui peuvent tout au plus obscurcir et troubler les idées acquises dans des livres sérieux, ont obtenu un succès populaire. Témoin de cette injustice de la foule, M. Poirson, je suis porté à le croire, a pensé que la seule manière de restituer à l’histoire le caractère qui lui appartient était de proscrire sans pitié tout ce qui accuse le désir de plaire. Il s’est dit en lui-même : « Je me suis donné pour mission de propager la connaissance du passé; je ne veux pas être confondu avec ceux qui parlent du passé sans le connaître. La foule dévore aujourd’hui d’un œil avide de prétendus récits qui ne sont qu’un vain assemblage de mots; elle va chercher l’histoire dans un pompeux entassement de périodes sonores et vides; je ne ferai rien pour attirer la foule. Ceux qui aiment la science viendront à