libres, — comme on l’était alors. Dans le même temps, le sénat se remplissait d’Orientaux. Ils devaient se trouver là comme chez eux.
Une autre importation de l’Asie fut le culte de Mithra. Les monumens mithriaques représentent tous un sujet semblable : l’immolation, par un homme portant un costume asiatique, d’un taureau que mutile un scorpion, et dont un serpent vient lécher le sang. Ces monumens singuliers ne sont pas rares dans les collections de Rome. Ils ont été rencontrés dans presque toutes les parties de l’Europe, jusqu’au bord du Rhin, jusqu’au fond de la Hongrie et de la Transylvanie, où les avaient portés sans doute les légions romaines. C’est pendant le IIIe et le IVe siècle de l’empire que paraît s’être propagé le culte de Mithra, culte accompagné de mystères homicides remplacés ensuite par des représentations où le meurtre était simulé. Commode y rétablit les meurtres véritables. On a trouvé aussi près du Vatican, — lieu anciennement consacré par la religion étrusque et où devait être le centre du christianisme, — dans quelques inscriptions, la trace des sanglantes cérémonies elles-mêmes, bien vraisemblablement d’origine orientale, dans lesquelles on se purifiait avec le sang d’un taureau, et auxquelles se soumit Héliogabale.
Cette époque était à la fois sceptique et inquiète, incrédule et superstitieuse; elle cherchait le surnaturel dans l’inconnu. On se sentait entraîné vers les cultes les plus étranges par le besoin religieux qui remuait sourdement les âmes, tandis que le polythéisme romain s’affaissait avec l’empire romain, et par l’attente d’une foi nouvelle que le christianisme allait apporter. Telle était la cause de cette extension des cultes impudiques ou barbares de l’Orient dans une société dont elle hâtait la chute. La vieille religion romaine, fondement de l’ordre politique, était minée sourdement par les religions de l’Orient, qui sapaient sa base. On a découvert une grotte souterraine de Mithra creusée sous les fondations du temple de Jupiter au Capitole.
La religion chrétienne, il faut le proclamer, car c’est sa gloire, concourait à la décadence d’un pouvoir qui méritait de finir : non assurément qu’elle secondât les mauvaises tendances qui devaient le perdre, mais parce qu’en les combattant elle attaquait le principe vicieux sur lequel il était fondé. Je n’ai pas aujourd’hui à traiter ce sujet, que je me réserve pour d’autres études; mais j’ai dû, en présence des monumens, parler de l’invasion des religions orientales dans le monde romain, quand je parlais de celui qui fut lui-même une monstruosité de l’Orient tombée à Rome, de l’odieux et bizarre Héliogabale.
J.-J. AMPERE.