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qu’est-il arrivé ? Le grand-vizir a tellement rétréci sa situation, qu’il se trouve sans adhérons, que récemment encore, dans une crise de cabinet, il a été obligé de prendre dans sa famille un nouveau ministre des affaires étrangères. De toute façon, cette question des principautés reste assurément livrée à de singulières incertitudes. C’est pour l’Europe la plus délicate, la plus grave des difficultés dans un moment de calme où les autres questions diplomatiques semblent disparaître, où la querelle du Piémont et de l’Autriche n’a plus la même gravité, et où le Danemark vient de se remettre en meilleure intelligence avec l’Allemagne. Un instant cependant cette querelle de l’Autriche et du Piémont a semblé devenir menaçante, puis elle s’est apaisée tout à coup, au point qu’on a fini par croire, il y a peu de jours, à la possibilité d’un rapprochement. Sur quoi se fondait cette conjecture ? Sans doute sur l’absence de toute cause d’une rupture sérieuse. Au fond, ce bruit d’un rapprochement prochain ne répondait à aucune réalité ; mais ce qui n’est point douteux, c’est que depuis quelque temps le cabinet de Turin, en acceptant la situation qui lui a été faite, a mis dans tous ses actes comme dans ses paroles une habileté et une prudence qui montrent mieux encore ce qu’il y a eu d’extrême dans le procédé de l’Autriche. Ce n’est pas que le Piémont ait abdiqué sa politique : seulement cette politique, M. de Cavour la pratique en homme d’état qui sait se mesurer avec les difficultés, et qui sent aussi ce qu’il y a de force pour un gouvernement régulier dans le respect des traditions conservatrices. M. de Cavour s’est montré plus d’une fois libéral hardi et résolu ; il a su aborder les questions les plus épineuses et les plus brûlantes. Depuis quelques jours, il est occupé à montrer le tact du chef de gouvernement et du conservateur. Après avoir résisté à l’Autriche, il ne veut point compromettre ou laisser compromettre la position où s’est placé son pays. Une occasion favorable s’est offerte à lui, c’est dans la discussion d’une loi relative au déplacement de l’arsenal cjui doit être transporté de Gènes à la Spezzia. Bien des intérêts et des passions étaient en jeu. La ville de Gênes se plaignait d’être dépossédée. C’était d’ailleurs la question même des forces militaires et maritimes du pays, et à cette question se rattachait naturellement celle de l’indépendance nationale, du rôle du Piémont en Italie. Un orateur radical, M. Brofferio, dans un langage plus imagé et plus prétentieux que sensé, a eu la fantaisie de lancer une fois de plus ses hyperboles contre l’empereur d’Autriche et contre tous les souverains italiens. M. Brofferio n’eût pas mieux réussi, s’il eût voulu servir M. de Cavour en lui fournissant l’occasion de défendre les souverains attaqués et de déclarer que si le Piémont professe une politique italienne, il professe également la fidélité aux traités, le respect des obligations internationales. Sur un point si grave, le président du conseil a tenu à dissiper toute confusion, à faire disparaître toute solidarité entre la pensée libérale dont il s’inspire et la pensée révolutionnaire. Une circonstance plus récente encore et d’une autre nature vient d’attester de la part de M. de Cavour le même tact, la même habileté prudente de conduite. Le pape, en parcourant les états pontificaux, va se rendre à Bologne, où il doit séjourner quelque temps. Malgré les démêlés qu’il a eus dans ces dernières années avec le saint-siège, démêlés qui ne sont malheureusement pas terminés encore, le cabinet de Turin s’est souvenu que le Piémont était un pays catho-