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lique, et que le saint-père était tout à la fois chef de l’église et prince italien. Un envoyé du roi Victor-Emmanuel, M. Boncompagni, aujourd’hui ministre à Florence, parait devoir aller complimenter le pape à Bologne. Cela ne veut point dire évidemment que toutes les questions religieuses soient résolues par un acte de déférence ; mais c’est l’indice du prix que le cabinet de Turin lui-même attache à de meilleurs rapports avec Rome. Les diverses manifestations qui se sont succédé en peu de temps sont l’expression d’une politique aussi habile que sage. Et dans le fait le Piémont ne pourrait rien gagner par une politique révolutionnaire ; il a tout à gagner au contraire en se fortifiant dans la pratique d’un libéralisme conservateur, en offrant à l’Italie le spectacle d’un régime sensé et à l’Europe le spectacle d’un gouvernement régulier qui sait rester maître de lui-même sans abdiquer les plus légitimes aspirations.

Les affaires du Danemark, qui sont depuis quelque temps un de ces nuages flottans à l’horizon de l’Europe, viennent de passer par une crise qu’on peut appeler décisive et salutaire, puisqu’on a vu tout à la fois le cabinet de Copenhague réussir à se reconstituer et le démêlé avec les puissances allemandes entrer dans une voie meilleure. Ces deux questions étaient intimement unies, on le sait. Le démêlé avec l’Allemagne, au sujet du Holstein, n’était point entièrement étranger à la crise ministérielle de Copenhague. D’un autre côté, cette crise, en se prolongeant au-delà même des nouveaux délais accordés par l’Autriche et la Prusse, a fini par exciter l’impatience des deux cours allemandes, qui ont menacé de recourir décidément à la diète de Francfort. Cette menace a eu du moins l’heureux effet de déterminer la reconstitution immédiate du cabinet danois. M. Andræ a quitté la présidence du conseil en restant ministre des finances ; le ministre du culte et de l’instruction publique, M. Hall, devient président du conseil. MM. Krieger et Simoni sont restés, le premier à l’intérieur, le second à la justice du royaume. Le ministre de la marine, M. Michelsen, est chargé provisoirement des affaires étrangères, et M. Unsgaard, ministre des affaires intérieures communes, prend aussi provisoirement l’administration de celles du Holstein. La signification politique de cette combinaison, elle-même incomplète encore, comme on voit, est tout entière dans les noms de MM. Andrée, Hall et Krieger, qui sont l’âme du ministère. Ce sont des hommes capables, connaissant les intérêts du pays. Le premier a été officier supérieur d’état-major, les deux autres ont été professeurs de droit à l’université de Copenhague. Dans leur politique, ils s’inspirent d’un sage esprit de modération et ne se séparent point des principes constitutionnels. Le premier acte du ministère a été de faire savoir à l’Allemagne que l’intention du roi de Danemark était de convoquer dans le courant de l’été les états du Holstein, pour leur fournir l’occasion d’exprimer leurs vœux au sujet de la révision de la constitution provinciale octroyée en 1854. Si l’on s’en souvient, c’est la combinaison que nous indiquions comme étant acceptée par les cours de Vienne et de Berlin. La question est ainsi circonscrite : le Holstein pourra se prononcer sur ses intérêts propres sans avoir à s’occuper de la constitution commune, et en même temps se trouve écartée la perspective d’une dangereuse intervention de la diète de Francfort, qui appelait inévitablement l’intervention de l’Europe.