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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/516

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l’arrivée du convoi venant de Chine pour le réunir à celui que régulièrement ils expédiaient chaque année de Batavia pour l’Europe. Chacun, pendant ces interminables délais, se considérant comme affranchi de toute obligation envers un gouvernement que nous n’avions pas encore eu l’occasion de reconnaître, avait pris la direction qui cadrait le mieux avec ses projets. Il n’y eut donc qu’un certain nombre d’officiers et très peu de marins qui s’embarquèrent sur les bâtimens prêts à faire voile pour la Hollande. Je fus de ceux qui, sans s’inquiéter du drapeau sous lequel ils allaient servir, voulurent avant tout courir à la défense de leur pays.

Dans les premiers jours du mois de janvier 1795, ces humbles débris d’une expédition dont la reconnaissance des navigateurs s’est chargée de garder la mémoire sortirent de la rade de Batavia sous un pavillon étranger, pour aller raconter à la mère-patrie la longue odyssée de leurs travaux et de leurs malheurs.


II

Le convoi hollandais, en quittant la rade de Batavia, se composait d’une trentaine de grands bâtimens, parmi lesquels on comptait dix ou douze vaisseaux de soixante-quatre et de cinquante canons Toute cette flotte, bien qu’armée en guerre, avait plus d’apparence que de force réelle. Les équipages étaient peu nombreux, et les batteries basses étaient encombrées de marchandises. Une seule frégate de l’état, l’Amazone, était chargée de la police et de la conduite de tout le convoi. On ne saurait en vérité s’expliquer la confiance de la compagnie, qui se contentait d’une pareille escorte pour un convoi d’une aussi grande valeur. Trois bonnes frégates bien équipées, tombant au milieu de cette flotte, auraient tout pris. Il est vrai que la Hollande était alors l’alliée de l’Angleterre, et comptait sur la protection des flottes britanniques. En nous embarquant sur ces bâtimens, on avait alloué aux capitaines, pour le passage de chaque officier français, une somme de 2,400 francs. Nous devions être admis à la table du commandant et avoir chacun une cabine séparée. Un de mes camarades, enseigne de vaisseau comme moi, le chef de timonerie et le commis aux vivres de la Truite, ce dernier faisant fonctions de commis aux revues, m’accompagnèrent sur le Dordrecht, bâtiment de 1,200 tonneaux, armé de trente canons de 18.

En sortant de la rade de Batavia, le convoi donna dans le détroit de la Sonde. Il y rencontra des vents contraires, qui, bien que très maniables, le forcèrent de prendre mouillage sur la côte de Sumatra. On n’essaya pas même de louvoyer. On savait que les bâtimens, complètement dépourvus de qualités, manœuvres par des équipages