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à Paris des ministres spéciaux, comme pour donner à leurs félicitations un caractère exceptionnel. La presse de la France et des autres pays a frappé le crime de ce premier verdict de l’opinion universelle. De tous les côtés s’est échappée une même pensée de réprobation. C’est qu’en effet si parmi les hommes vivant au sein des sociétés régulières il y a des dissentimens possibles, des divergences de vues et des différences d’appréciations, il n’y a qu’un sentiment sur ces sauvages tentatives, parce qu’en dehors même des idées de justice, ou plutôt à cause de ces idées de justice souveraine, le meurtre n’a jamais fait avancer l’humanité ; il l’a fait reculer quelquefois, et il a toujours flétri les causes qui l’ont accepté pour complice. Le premier châtiment de ces crimes le plus souvent, c’est de ne point réussir dans leurs fins ; ils en trouvent un second, avant le dernier qui les attend, dans le soulèvement de la conscience publique, et ce sont surtout les hommes portant une âme digne de la liberté qui doivent, s’il se peut, ressentir la plus vive, la plus profonde répulsion, car ils savent bien que de tels attentats n’ont jamais servi la cause des franchises des peuples ; ils n’ignorent pas que ce déchaînement de passions destructives est le pire ennemi de tout progrès sensé et régulier. Une chose est certaine, le crime ne se discute pas, on le déteste et on le punit. Quant aux idées malsaines qui travaillent les sociétés et les ébranlent par instans, c’est surtout par des idées plus justes, plus morales et plus viriles, qu’on les combat et qu’on les réduit à l’impuissance.

Tel est le fait unique et dominant depuis quelques jours. C’est presque au lendemain de ce funeste événement du 14 janvier que la session législative s’est ouverte aux Tuileries par un discours de l’empereur, et dans ce discours, devenu naturellement le programme d’une situation, l’empereur ne se borne pas à constater l’état du pays depuis l’an passé, les travaux publics accomplis, les opérations financières réalisées, l’expédition heureuse de la Kabylie, les relations avec les autres puissances régulièrement entretenues et empreintes de cordialité ; il expose encore la pensée de l’empire, la politique du gouvernement, son intention de faire appel au concours du corps législatif pour réduire au silence les oppositions extrêmes et factieuses, et son dessein de maintenir l’autorité d’un pouvoir fort, capable de vaincre les obstacles qui arrêteraient sa marche. Depuis ce moment, diverses mesures se sont succédé, telles que la suppression de deux journaux de couleur fort différente et la division de la France en cinq grands commandemens militaires confiés à des maréchaux. D’un autre côté, le dernier attentat a eu pour effet de réveiller une vieille question, celle des réfugiés. La Belgique est allée elle-même au-devant de toute difficulté, en ordonnant immédiatement des poursuites contre un journal qui avait eu l’indignité d’approuver le crime odieux du 14 janvier, en proposant une loi sur les réfugiés ou plutôt le renouvellement d’une loi ancienne, et en présentant d’une façon spéciale aux chambres la partie d’un code pénal nouveau qui punit les tentâmes contre les souverains étrangers. Quant à cette même question telle qu’elle se présente vis-à-vis de l’Angleterre, elle se trouve nettement posée et résumée dans un discours adressé récemment par l’ambassadeur de France à Londres, M. de Persigny, aux membres de la Cité qui venaient lui remettre une adresse pour l’empereur. Il ne s’agit nullement de demander à l’Angle-