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rendues sur le drainage, ont commencé à introduire un nouveau droit : le moment est-il venu de rédiger un ensemble systématique de législation rurale, ou est-il plus rationnel de continuer à pourvoir par une loi particulière à tout besoin positivement constaté, en laissant à l’avenir le soin de coordonner ces dispositions successives ? La codification plaît davantage à l’esprit, surtout à l’esprit français, qui aime à poser des principes généraux et à les appliquer avec une logique rigoureuse ; mais elle complique beaucoup chaque question de détail, et elle est peu dans les habitudes des peuples véritablement pratiques. Si on avait attendu la confection d’un code rural pour faire la loi de 1831 sur les chemins vicinaux, ou celle de 1838 sur les vices rédhibitoires, il est probable que ces deux lois n’existeraient pas.

Parmi les questions récemment soulevées, qui, sans toucher précisément à l’agriculture, l’intéressent cependant à un haut degré, se trouve celle de la limitation légale du taux de l’intérêt. Ce qui s’est passé à ce sujet montre avec beaucoup d’autres exemples quels progrès la force des choses fait faire tous les jours aux vérités économiques ; s’il y a jamais eu une théorie honnie et repoussée avec horreur, c’est celle des économistes sur la liberté de l’intérêt : nous voyons cependant cette odieuse doctrine passer peu à peu dans la législation de tous les peuples, et on a pu croire un moment que, même en France, la nécessité avait prononcé. L’urgence étant aujourd’hui un peu moins impérieuse, la réforme de la loi de 1807 a moins de partisans, et dans tous les cas il n’est question, dit-on, que de l’abolir en matière commerciale et non dans les transactions civiles : distinction assez singulière, car si la liberté de l’intérêt est juste et utile pour le commerce et l’industrie, pourquoi ne le serait-elle pas pour l’agriculture ? La vérité est au contraire que la propriété foncière y est la plus intéressée, car c’est elle qui manque le plus de capitaux et qui a le plus besoin de les attirer, quand ils deviennent rares, par un supplément d’intérêt. En voici la preuve : le Crédit foncier ne peut continuer ses opérations qu’en donnant à ses emprunteurs, au lieu d’argent, des obligations qui perdent 16 pour 100 sur le marché, et à ces conditions il en trouve encore. Il n’en sera pas toujours ainsi, dira-t-on : je l’espère bien, mais en attendant tels sont les besoins. Quand les capitaux redeviendront abondans, ils baisseront d’eux-mêmes, sans que la loi y soit pour rien ; c’est pour les momens où ils manquent que la loi est faite, et on voit à quoi elle sert.