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avec des apparences d’irrésolution, venait de faire triompher Charles-Quint de François Ier en Italie, non pour l’y rendre plus puissant en l’y rendant victorieux, mais afin de remettre le saint-siège en possession de Parme et de Plaisance, de se ménager l’acquisition prochaine de Ferrare, et de replacer un Sforza sur le trône ducal de Milan. C’était lui surtout qui avait tenu les confédérés sous le drapeau en pourvoyant à leur solde avec l’argent de l’église et des Florentins; c’était lui qui avait obtenu des cantons helvétiques les troupes à l’aide desquelles l’offensive avait été reprise et le Milanais conquis. Il était bien plus occupé des affaires temporelles de l’Italie que des intérêts religieux en Allemagne, et l’agrandissement territorial du saint-siège lui était encore plus cher que l’intégrité de la foi. Au début de cette guerre, il avait dit au cardinal Jules de Médicis, qui le dissuadait de s’y engager : « Mon principal désir est de recouvrer Parme et Plaisance, et je mourrai volontiers après avoir redonné ces deux villes au saint-siège[1]. » Il ne mourut pas sans y être parvenu, et l’on peut dire que la vive satisfaction qu’il en éprouva ne fut pas étrangère à sa fin.

Léon X était à la Malliana, à quelques lieues de Rome, quand il apprit, le 24 novembre, l’entrée des troupes espagnoles et pontificales dans Milan. Cette agréable villa était son séjour favori. Il y finissait l’automne, après avoir chassé au faucon près de Viterbe, ou s’être livré au plaisir de la pêche sur les bords du lac de Bolsène. Il se mettait à table et disait le Benedicite au moment où arriva le messager que le cardinal Jules de Médicis avait dépêché pour lui annoncer cet avantage décisif. Transporté de joie, Léon X lui dit : « C’est une bonne nouvelle que vous avez apportée[2]. » Les Suisses de sa garde célébrèrent le succès des armes pontificales par d’assourdissantes décharges d’arquebuses. Après avoir assisté à toutes les démonstrations d’allégresse qu’on fit autour de lui, le pape, agité des plus enivrantes émotions, rempli des pensées les plus ambitieuses, se promena jusqu’à une heure avancée de la nuit dans sa chambre. Les fenêtres en étaient ouvertes et y laissaient pénétrer l’air humide et froid de la fin de l’automne, dont Léon X respira les dangereuses émanations. Il sentit du malaise pendant la nuit, et la fièvre le saisit. Le lendemain il retourna à Rome. Il de-

  1. « Quando deliberò di pigliare la giierra contro ai Franzesi, aveva detto al cardinale dei Medici, che ne lo dissuadcva, muoverlo principalinente il desiderio di ricuperare alla chiesa quelle due città, la quale grazia quando conseguisse non gli sarebbe molesta la morte. » Guicciardini, lib. XIV.
  2. Lettera di Roma alli signori Bolognesi a di 3 debre 1522 scritta per Bartholomeo Argilli, dans le 32e volume de Sanuto, citée dans Ranke, Hist. de la Papauté pendant les seizième et dix-septième siècles, t. Ier, p. 129.