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ÉTUDES D’HISTOIRE PRIMITIVE.

plus voisin des rudimens, l’autre plus récent et plus développé. L’empire égyptien se donnait dix mille ans d’existence, lorsque ses prêtres conversaient avec Platon, et la critique actuelle, qui le suit avec toute certitude jusqu’à plus de quarante siècles, ne peut voir en ce dire une simple vanterie. C’est donc à un terme ainsi placé approximativement qu’il faut conduire les populations qui peu à peu s’élevèrent, du dénûment primitif, à l’immense et prospère organisation des empires de l’Égypte et de l’Asie. La route est tracée, on voit le point de départ, on connaît le point d’arrivée, des jalons même sont placés çà et là ; mais une ignorance profonde cache les difficultés de la frayer, et, partant, les durées des étapes.

Non-seulement la notion d’une marche en une voie déterminée est acquise, mais encore on peut apercevoir avec netteté dans les linéamens généraux de quoi a été rempli l’immense espace parcouru, l’immense durée employée à jeter les fondemens d’un édifice dont les proportions futures étaient inconnues. Tous les arts nécessaires et beaucoup des arts utiles commencèrent alors. On fut occupé à donner satisfaction aux besoins les plus pressans de notre nature. C’était à la fois la chose la plus impérieusement commandée et la moins difficilement exécutée. De cette période datent les débuts de l’industrie, d’où émanent ensuite les autres développemens. Cet ensemble est la loi même de l’histoire que, dans quelque autre travail, je m’efforcerai de rattacher à la constitution de l’esprit humain, si bien qu’il a fallu nécessairement que l’évolution fût telle, sans permettre aucune interversion essentielle. Toujours est-il que les recherches nouvelles ont fait faire un grand pas à l’histoire, et ont montré sinon les événemens qui s’étaient passés dans l’espace antéhistorique, du moins la nature des œuvres matérielles et intellectuelles qui s’y étaient accomplies.

Les occupations de l’ère primitive étant de la sorte aperçues dans leur généralité, il est deux ordres d’explorations qui peuvent conduire à en reconnaître la succession graduelle et l’enchaînement régulier. Sans doute on ne saura jamais rien sur les événemens alors que les hommes combattaient contre les mastodontes, ou que les peuplades guerroyaient contre les peuplades, ou que les races supérieures commençaient à envahir le sol et à exterminer ou à disperser devant soi les races inférieures : ils sont effacés à jamais de la mémoire ; mais si nous les connaissions, ils nous présenteraient un tableau très semblable à celui des guerres entre Mohicans et Hurons, et n’auraient d’intérêt qu’autant qu’ils serviraient à contrôler la marche progressive des races vers une civilisation meilleure. En lisant, par exemple, les débuts de l’histoire de France, on est saisi d’ennui et de dégoût au récit des luttes de ces princes mérovin-