vienne à diminuer la précipitation dans ce bassin : les cours d’eau affluens apporteront un moindre tribut aux lacs, dont par suite le niveau baissera (la surface évaporatoire se contractant en même temps), jusqu’à ce qu’un nouvel état de choses s’établisse dans lequel l’évaporation redevienne rigoureusement égale à la précipitation. Dans l’hypothèse où nous nous sommes placé, le Saint-Laurent s’assécherait, et le niveau des lacs deviendrait inférieur à celui de l’Océan. Pareille chose se produirait dans la Méditerranée, si le détroit de Gibraltar venait à être fermé, car l’évaporation y est à peu près triple de la précipitation. Pareille chose arriverait également dans le golfe du Mexique, si les polypes, déjà à l’œuvre dans la passe de la Floride, parvenaient à fermer entièrement cette passe, ainsi qu’à relier Cuba à la presqu’île de Yucatan. On aurait alors ce curieux phénomène de deux mers juxtaposées, séparées en quelque sorte par une simple cloison, et de niveaux pourtant notablement différens[1].
On voit donc que dans une mer sans issue extérieure l’élévation du niveau dépendra exclusivement de la hauteur à laquelle la surface liquide donnera une évaporation précisément égale à la précipitation, et l’on voit encore que si la précipitation par exemple diminue d’une quantité quelconque, le niveau devra s’abaisser jusqu’à ce que l’équilibre soit rétabli de nouveau. Pour comprendre comment a pu se produire un phénomène de ce genre, il faut se rappeler que dans le système de circulation atmosphérique qu’on vient d’exposer les vents ont un trajet d’une régularité telle que la somme de pluie apportée par eux en une région du globe déterminée, et d’une étendue suffisante, reste invariablement la même d’une année à l’autre. Si donc une chaîne de montagnes venait à se soulever sur le trajet de ces vents, son effet, par suite de la froide température de ses cimes, serait de condenser au passage une certaine partie de la vapeur d’eau transportée par eux, et de diminuer d’autant les pluies du trajet ultérieur. Le même effet serait produit par le fait d’un continent qui surgirait du fond des mers, et substituerait une étendue de terre sèche à la surface évaporatoire aupara-
- ↑ Cette hypothèse n’a rien d’improbable pour qui connaît la rapidité d’envahissement des excroissances madréporiques. Ainsi des travaux hydrographiques récemment exécutés par la marine anglaise ont montré que dans le détroit de Torrès ces polypes s’étendent avec une puissance telle que, si leur développement suivait toujours la même loi, dans vingt ans ce détroit serait intercepté en plusieurs points sur toute sa largeur. Cette largeur, très variable, n’est parfois, il est vrai, que de 3 kilomètres sur une longueur totale de 160. Quant au nombre des îlots ainsi formés, en deux siècles et demi, c’est-à-dire depuis l’époque de la découverte, il a été porté de 26 à 150, si ce n’est plus.
fontaines, avait très nettement donné l’explication véritable du phénomène, et, même dans l’antiquité, Vitruve l’avait en quelque sorte pressentie.