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certaine classe de réfugiés; c’est du moins ce qu’indique une dépêche du ministre des affaires étrangères de France, récemment mise au jour. En Piémont, le parlement continue d’étudier la loi qui lui a été présentée relativement à la répression des attentats et des délits de presse. Puis, comme pour achever le tableau, on s’est plu à imaginer des dialogues diplomatiques avec l’Autriche, avec la Prusse elle-même, dialogues où l’on prête en particulier à M. de Buol une attitude un peu romaine, que le ministre autrichien n’a point eu sans doute à prendre. De tous ces incidens diplomatiques, nés d’une circonstance imprévue, le plus grave assurément est toujours celui qui se rattache aux relations entre l’Angleterre et la France; c’est le nuage qui s’est élevé entre les deux pays, et que des deux côtés en ce moment on s’efforce de dissiper.

Or il y a ici visiblement une double question engagée, celle des rapports entre l’Angleterre et la France et celle de l’existence même du cabinet récemment arrivé aux affaires à Londres. Les deux questions se touchent, il est vrai, et n’en font qu’une, du moins pour le moment. Il faut se rappeler le point de départ de cette situation, aussi complexe que délicate. Le ministère tory est monté au pouvoir avec la double pensée de régulariser les rapports entre les deux pays, de raffermir une alliance qu’on pouvait supposer ébranlée ou menacée, et de donner en même temps satisfaction au vote du parlement qui a renversé lord Palmerston. La motion de M. Milner Gibson, on ne l’a pas oublié, exprimait le regret qu’il n’eût point été répondu à la dépêche de M. Le comte Walewski. Il y avait donc pour les nouveaux ministres une sorte d’obligation morale de faire ce que n’avaient point fait leurs prédécesseurs, de répondre à la communication du gouvernement français, et c’est la première question qui semble avoir occupé le nouveau cabinet. Le secrétaire d’état pour les affaires étrangères, lord Malmesbury, s’est chargé naturellement de cette œuvre diplomatique. Quant au caractère même de cette réponse, en présence de toutes les manifestations publiques qui se sont succédé et d’après les opinions connues des membres de l’administration actuelle, il n’est point douteux qu’elle n’ait dû être aussi conciliante que modérée; mais en dehors de cette question de correspondance diplomatique, il restait, à vrai dire, une autre difficulté, qui n’était pas la moins sérieuse. Que devenait le bill présenté par lord Palmerston à la chambre des communes? Avait-il disparu avec l’ancien premier ministre? allait-il être repris, soutenu ou amendé par les tories maîtres du pouvoir? Dans ses premières explications devant la chambre haute, dans l’exposé de sa politique, lord Derby, il faut le remarquer, ne se prononçait pas contre le bill sur les conspirations; sans se livrer à des appréciations inutiles, il indiquait tout au moins que dans sa pensée l’œuvre de lord Palmerston ne laissait point de survivre, même après le vote de la motion de M. Gibson. Depuis ce moment pourtant, les autres membres du cabinet ont battu plus ouvertement en retraite, et ont observé une réserve plus diplomatique, ce qu’ils n’ont fait peut-être que sous la pression de l’opinion publique. Les divers ministres qui appartiennent à la chambre des communes ont eu depuis quelques jours à s’expliquer devant leurs commettans en allant se faire réélire dans leurs comtés, et ils se sont tous montrés également circonspects; ils ont tenu à peu près le même langage. Est-ce à dire qu’ils aient laissé pa-