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recommencé, tant que de généreux donateurs apportent de nouveaux chiens.

Chez les tribus non soumises, la guerre est demeurée la passion dominante. Chaque chevelure arrachée à un ennemi est appliquée sur un cerceau qui la tient déployée en laissant pendre les cheveux dans toute leur longueur. Le côté intérieur est peint en rouge et semble toujours dégoutter de sang. Ces trophées sont conservés dans les familles et montrés dans les réunions publiques. On les étale dans les danses de guerre et dans les préparatifs des combats. Ce sont les signes les plus certains de la vaillance et les meilleurs titres au commandement.

Outre ces décorations qui servent à la pompe des assemblées et à l’ornement des habitations, les Indiens en ont d’autres qu’ils portent sur leurs personnes. Ce sont d’abord des plumes d’aigle. Chaque guerrier en peut attacher à sa tête autant qu’il a terrassé d’ennemis. Certaines particularités indiquent les circonstances de ses victoires. S’il a tué seul un adversaire, il porte une plume entière et marquée d’une tache de sang. S’il l’a scalpé sur place, il fait une entaille à la barbe de sa plume et il en colore les bords en rouge. Il n’a pas droit à porter une plume entière, mais il doit en découper la barbe d’un côté ou de deux, suivant qu’il a été secondé par un camarade ou par deux. S’il n’a fait qu’aider lui-même le vainqueur, il ne laisse à sa plume qu’une faible partie du duvet. S’il a été blessé, la tige de la plume doit être fendue en long. Ces plumes sont prises à une espèce d’aigle qu’on appelle l’oiseau de la guerre, et qui est fort rare. Les vainqueurs sont si désireux de s’en procurer, qu’on les voit quelquefois échanger un cheval contre une seule de ces plumes.

Une autre manière de proclamer ses prouesses, c’est de peindre en rouge sur les sayons de guerre des simulacres de mains. On peut indiquer ainsi combien d’ennemis on a terrassés, combien on a fait de prisonniers, si c’étaient des hommes ou des femmes, s’ils étaient jeunes ou vieux. Du reste, il faut que ces distinctions soient prises avec l’assentiment de la tribu, et pour des faits d’armes bien avérés. Si quelqu’un avait l’impudence de s’en parer sans raison, il en serait dépouillé avec violence au milieu des assemblées.

La morale, qui ne perd jamais tous ses droits, prend chez les Indiens, comme chez tous les peuples primitifs, la forme de la légende et de l’allégorie. Tel apologue raconté sous le wigwam enseigne aux fils la soumission envers les pères et aux pères la douceur envers les fils ; telle tradition célèbre les bienfaits de l’agriculture, si méconnus des Indiens, ou les avantages de la concorde et de l’union. Voici, de toutes ces légendes, celle dont la moralité est la plus fine et la fable la plus ingénieuse ; elle a pour but de rappeler la funeste contagion du vice.

Sur cette belle chaîne de collines qui s’étendent depuis le mont Nundowaga jusqu’au lac Canaudaiga, habitait jadis une puissante tribu. Sa prospérité répondait à la fertilité de son territoire. Elle avait des vivres en abondance, et comme elle restait en paix avec ses voisins, sa population augmenta rapidement en nombre : elle put bâtir une grande ville. Un jour quelques enfans, en prenant leurs ébats dans les fossés de cette cité, trouvèrent un petit serpent, qui les fascina par sa beauté. Il avait des yeux brillans comme des