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contre lui. Henri VIII passa ouvertement de la médiation, qu’il avait jusqu’alors affectée, à la guerre, dont il était secrètement convenu avec Charles-Quint. La fortune secondait partout cet heureux empereur. IL avait dompté de Bruxelles, avec l’épée du connétable et de l’amiral de Castille, les comuneros insurgés d’Espagne, et la haute noblesse avait rétabli pour lui l’obéissance parmi le peuple au-delà des Pyrénées, en y étendant contre elle-même l’autorité monarchique. Il avait vaincu par ses généraux en Lombardie le roi de France, rejeté de l’autre côté des Alpes, et il était rentré dans la suzeraineté de Milan. Il avait obtenu, du collège des cardinaux à Rome, sans la chercher comme sans la prévoir, la nomination d’un pape qui avait été autrefois son précepteur, qui était en ce moment son délégué, et qu’il allait rendre bientôt son instrument. Il acquit alors le concours actif du roi d’Angleterre, auprès duquel il se rendit à l’époque même où la Lombardie était enlevée à François Ier.

Ayant réglé les affaires d’Allemagne, mis ordre à celles des Pays-Bas, il partit dans la dernière semaine du mois de mai pour l’Espagne, afin d’en achever la pacification et d’en tirer, soit en argent, soit en hommes, les ressources que la poursuite de la guerre lui rendait nécessaires. Il passa par l’Angleterre, où il était attendu. Débarqué à Douvres le 26 mai, il y trouva Wolsey, et fut bientôt rejoint par Henri VIII, qui venait à sa rencontre, et le conduisit successivement à Cantorbery, à Greenwich, à Londres, à Winchester, à Hampton-Court. Les deux alliés, dont l’un devait être le gendre de l’autre et lui donnait d’avance le nom de père, passèrent plus d’un mois ensemble au milieu des fêtes et dans la plus affectueuse intimité. Ils confirmèrent les stipulations préparées à Bruges en août et conclues à Calais en novembre 1521. Ils convinrent d’attaquer en commun François Ier dans son royaume même. Charles-Quint voulait lui reprendre la Bourgogne, qu’il revendiquait comme faisant partie de son héritage paternel ; Henri VIII aspirait à lui enlever les provinces occidentales de la Normandie et de la Guyenne, qu’avaient possédées les Plantagenets, ses prédécesseurs. Chacun des deux souverains s’engagea à pénétrer en France avec trente mille hommes de pied et dix mille chevaux. Ils se promirent d’avoir les mêmes alliés et les mêmes ennemis, et ils durent inviter le pape Adrien à signer le traité qu’ils venaient de conclure[1]. Après ces accords définitifs, Charles-Quint quitta l’Angleterre, et le 4 juillet il s’embarqua à Southampton pour l’Espagne, avec une forte troupe de lansquenets qu’il avait pris à sa solde, et un grand nombre de pièces de canons de divers calibres destinées à défendre la Péninsule, et, s’il en était besoin, à la contenir[2].

  1. Herbert, the Life and raigne of king Henry the Eighth, p. 126 à 128.
  2. Sandoval, t. I, lib. XI, § 2.