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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/697

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« Qui sait ? Voyons ! » Alors, avec un doux sourire,
Relevant sur Djérid son regard doux et clair,
Elle dit : « Veux-tu faire ainsi que je désire ?
Reprends la tamboura pour nous chanter un air ! »
Le jeune homme obéit à l’instant sans mot dire,
Et, préludant d’abord par un air triste et lent,
Il chanta ce qui suit sur un rhythme indolent :

Sais-tu ce que le vent soupire
Et veut dire
Quand il pleure, glisse et s’enfuit
Dans la nuit ?

Sais-tu pourquoi, quand l’onde arrive
À la rive,
Elle y laisse avec chaque flot
Un sanglot ?

Sais-tu pourquoi Bulbul se pose
Sur la rose,
Et jusqu’au jour chante à la fleur
Sa douleur ?

Sais-tu pourquoi le cœur bat vite
Et palpite,
Sans pouvoir contenir son sang
Frémissant ?

Sais-tu pourquoi sous leurs longs voiles
Les étoiles
Croisent dans l’air leurs millions
De rayons ?

Sais-tu pourquoi, quand tout sommeille,
Dieu seul veille,
Et couve dans son sein béni
L’infini ?

C’est que partout la loi suprême
Veut qu’on aime,
Et qu’ici-bas tout sans retour
Vit d’amour !

La voix tomba ; c’était une voix douce et grave,
Dont l’accent remuait jusqu’aux fibres du cœur,
En y laissant au fond l’air aimé qui s’y grave.