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Il n’y a pas d’ouverture à la Magicienne, et tout le premier tableau ne forme qu’une introduction pompeuse, mais monotone. Je n’ai pas trouvé non plus que le chœur de femmes du second tableau eût rien de bien remarquable, ni que la romance que chante Mélusine fût d’une mélodie bien accusée. Au second acte, qui représente une salle souterraine du château de Lusignan, on trouve plusieurs belles phrases dans le duo entre Mélusine et le nécromancien Stello, celle par exemple qui accompagne ces paroles chantées par Mélusine :

L’amour ! sentiment ineffable !


La réponse de Stello est aussi fort distinguée, mais l’ensemble du morceau est défectueux, rempli d’interminables récitatifs qui étouffent l’émotion. Au troisième acte, qui est un peu plus varié que les deux premiers, on remarque la sérénade que chante le page Aloïs sous le balcon de sa maîtresse :

O ma souveraine !
Écoute ma peine,


une de ces mélodies un peu tristes que semble affectionner M. Halévy ; le chœur des villageois, et surtout la première partie du finale, formant un quatuor avec accompagnement du chœur, qui est d’un bel effet :

O sort fatal !… cette journée
Qui s’annonçait pour le bonheur…


La seconde partie de ce finale, qui exprime la terreur d’une foule éperdue au milieu d’un orage épouvantable soulevé par Mélusine, ne répond pas au commencement, et se perd dans un fracas de sons sans idées. Au quatrième acte se trouve la plus belle situation de tout l’ouvrage : nous voulons parler de la lutte du nécromancien Stello avec Mélusine, dont il est jaloux, et qu’il démasque aux yeux de René, qu’elle adore. Cela donne lieu à un trio qui aurait pu être un chef-d’œuvre, si l’auteur eût complété les phrases vraiment émues qui traduisent ces paroles :

Et quand, trompé par elle,
Ta bouche maudissait
Ton amante fidèle,…
Blanche pour toi priait !…


Mais, ainsi que cela arrive trop souvent à M. Halévy dans les morceaux d’ensemble dont il ne fixe pas le plan, le trio se termine par des cris désordonnés. Le cinquième acte est le plus important de tous, et si M. Halévy eût traité les quatre premiers avec le même succès, il aurait fait une œuvre plus saillante que la Juive. Blanche, désespérée de l’abandon de René, se décide à entrer dans un couvent. Elle exprime sa douleur par une romance d’un assez beau caractère :

Je vais au cloître solitaire
Prier, pleurer, et puis mourir.


Survient Mélusine aussi repentante, et qui raconte à Blanche tout le mal