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pieds, on rencontre un fond ou plutôt une couche de terre qui n’a nulle part plus de quatre à cinq pieds d’épaisseur, et sous laquelle est un second lac, beaucoup plus profond que le premier.


II

Toute cette contrée n’appartient déjà plus à la Sibérie : c’est le commencement de la Tartarie. Les véritables habitans sont les Baskhirs, qui viennent passer l’hiver dans le voisinage des lacs, lorsque leurs troupeaux ont épuisé les herbages du steppe. On rencontre au pied des montagnes, groupées par douzaines, leurs huttes d’hiver, construites avec des troncs d’arbres. Elles ont environ douze pieds carrés de surface et une hauteur de huit pieds. Le toit en est plat ; il est recouvert de terre glaise et de gazon. La porte, haute au plus de quatre pieds et demi, contient une ouverture d’un pied carré pour laisser entrer un peu de lumière. Le feu s’allume au milieu de la hutte, et la fumée s’échappe par un trou fait dans le toit. Tout autour, et appuyées aux parois, sont des banquettes sur lesquelles couchent les maîtres du logis. Il n’est pas rare de trouver six et huit personnes dans une seule de ces misérables cabanes : elles y vivent au milieu de la malpropreté et de la vermine. Le contact de la civilisation n’a point été favorable au Baskhir ; il a perdu quelques-unes de ses qualités natives, et il a retenu tous les vices de sa race. Il n’a d’admirable que son amour pour les chevaux et son talent à les dresser. M. Atkinson fut plus d’une fois émerveillé de l’empire de ces demi-sauvages sur leurs animaux.


« Je quittai la mine d’Altabanafski dans une voiture légère traînée par cinq chevaux : trois, attelés à la voiture, étaient conduits par un cocher kirghiz, un des chevaux de volée était monté par un jeune homme de dix-huit ans. Notre chemin nous conduisait à travers le steppe, et il devint bientôt évident que notre Kirghiz avait l’intention de nous montrer ce que ses bêtes pouvaient faire. Nous allâmes au grand trot pendant deux ou trois verstes ; les chevaux furent mis ensuite au galop, puis lancés à toute vitesse. Le cocher n’eut pas une seule fois recours au fouet : il se contentait de parler à ses chevaux, qui semblaient comprendre chacune de ses paroles. Quelquefois il prenait une voix claire, et les chevaux s’élançaient tête basse comme des lévriers ; en changeant de ton, il les ramenait au petit galop. Au bout d’une heure, notre postillon était complètement éreinté : le Kirghiz arrêta pendant quelques minutes, le fit monter derrière la voiture et reprit son siège sans mettre de guides aux chevaux de volée, ce qui me causa d’abord quelque émoi. Nous étions sur un terrain uni, nous traversions un steppe qui s’étend à perte de vue du côté de l’Asie, sans une barrière et sans un arbre. Les chevaux furent mis au trot pendant quelque temps ; notre cocher arrangea les rênes des limoniers, se campa solidement sur son