mais elles n’en témoignent pas moins d’une extrême ardeur de controverse. « Il faut des opinions, » disait saint Paul à propos des débats qui agitaient de son temps le monde chrétien. Les vieux croyans sont restés fidèles à cette doctrine ; non-seulement ils discutent secrètement entre eux des questions de culte et de morale religieuse, mais ils cherchent à combattre en public les orthodoxes avec ces armes spirituelles. Autrefois, à Moscou, ils se réunissaient à cet effet sur la place du Kremlin, pendant l’hiver. Ajoutons qu’ils sont tous lettrés et que les écrits des vieux croyans sont très dignes d’étude, au dire des hommes compétens. La soif de lecture qui les anime est telle que, malgré toutes les recherches de la police, ils ont des dépôts de livres jusque dans les capitales, et même des imprimeries secrètes. Enfin, si le schisme des vieux croyans était purement formaliste, comment expliquer qu’il se glisse jusqu’à ce jour dans les rangs du clergé orthodoxe et y séduise des hommes d’un esprit cultivé ? On en a maint exemple. Il y a une quinzaine d’années, le supérieur d’un couvent du gouvernement de Pétersbourg, ayant été convaincu d’hérésie, fut transféré comme simple moine dans un couvent des environs d’Irkoutsk. Converti à la secte, il ne tarda pas à faire des prosélytes : une foule de personnes, et surtout des marchands de la ville, suivaient très assidûment ses instructions ; mais ils furent dénoncés. Le gouvernement donna l’ordre de transporter le fondateur de cette communauté naissante dans le couvent de Solovetz, sur les bords de la Mer-Glaciale. Il y fut enfermé dans une cellule, les fers aux pieds et aux mains. Peu de mois après, il se brisa la tête contre les murs de sa prison. Quant aux personnes qu’il avait endoctrinées, on les soumit à toute sorte de mauvais traitemens, et elles ne s’en tirèrent qu’à prix d’argent. Une des pièces auxquelles nous devons tant de détails curieux cite un autre fait de ce genre. Un diacre du gouvernement de Nijni-Novgorod, homme fort intelligent et qui s’était fait remarquer au séminaire par son amour de l’étude, s’était avisé de créer dans son village une sorte de confrérie à l’instar des premières associations chrétiennes. On se livrait en commun à la prière, au travail, et il paraît même que cette règle communiste s’étendait jusqu’à la propriété : tout porte à croire que la doctrine prêchée par le chef de cette petite communauté se rattachait au schisme des vieux croyans, qui sont très nombreux dans cette contrée ; mais elle était tenue secrète. Ce qui ressort en définitive de tous les renseignemens fournis sur les dispositions des schismatiques, c’est que la tendance à laquelle ils obéissent depuis deux siècles avec tant de constance et d’unanimité doit être considérée comme une véritable protestation en faveur de l’indépendance religieuse.
On serait tenté de comparer le mouvement que les vieux croyans