de 1825. Je lis dans la description géographique de la Turquie, au commencement du deuxième volume et dans la partie la plus simple et la moins accessible aux émotions ou aux réflexions : « Les vastes plaines de la Thessalie sont encore aussi belles qu’elles l’étaient autrefois, et les brises du levant lui viennent toujours par la vallée de Tempé et les champs mélybéens ; mais ses routes pittoresques ne sont plus fréquentées que par des bandes de brigands. Un quart à peine du sol arable est cultivé. L’agriculture languit malgré l’exubérante fécondité du sol, et la condition des cultivateurs est des plus misérables[1]. »
Cette description géographique de la Turquie est pleine de traits de ce genre. L’auteur parle-t-il de la Thrace, « le sol est partout fécond, et il étale sur tous les points une exubérante végétation. Un si riche pays devrait avoir une population nombreuse ; mais on n’y trouve que désolation, comme si la peste régnait seule sous ce beau ciel. Dans le voisinage des villes, on voit quelques champs cultivés par des Grecs ; au-delà ; tout est inculte et désert… Des restes de monumens, de canaux, d’aqueducs, épars de tous les côtés sur le sol, sont des témoignages irrécusables d’un état social jadis florissant, et qui n’est plus L’étendue des cimetières prouve qu’à une époque peu éloignée il y avait là des populations musulmanes dont il ne reste plus de traces. Le croissant s’élève au milieu des débris comme le gardien du néant ; il plane sur les cités éteintes ainsi qu’un écriteau sur les limites de la vie et de la mort… Dans l’espace de trente lieues, entre Kirclef et Karnabat, on ne rencontre pas d’habitans, quoique la campagne soit magnifique. La vue du grand et beau village de Faki, de ses maisons désertes, de ses jardins couverts de ronces et de grandes herbes, de ses terres incultes, refuge des brigands et des bêtes fauves, fait naître dans l’âme du voyageur les sentimens les plus pénibles[2]. »
Passons-nous, avec M. Mathieu, de la Thrace dans la Bulgarie, même aspect et mêmes réflexions du voyageur : « L’homme qui porte ses regards sur un pays aussi fertile est douloureusement surpris de l’aspect misérable de ses habitans et du peu de parti qu’on y tire des avantages prodigués par la nature… Dans la partie qui s’étend de Sophia au Danube, on chemine souvent toute une journée sans apercevoir une habitation. Partout on rencontre des cimetières ; nulle part on ne voit de traces des villages qui ont fourni les morts… Il y a encore quelque chose de plus triste que les cimetières sans villages, ce sont les villages sans habitans, ou