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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/111

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de la république de 1848 et de l’empire de 1851, l’Orient, ce sont les populations orientales. Je suis heureux et fier, quant à moi, de voir que depuis cinquante ans la France, qui a si souvent changé de lois et d’institutions, n’ait point changé de politique en Orient. Cela prouve mieux que tout autre argument que cette politique est conforme aux véritables intérêts de notre pays. Quiconque arrive aux affaires, de quelque dynastie ou de quelque parti qu’il soit, reconnaît aussitôt cette conformité, et en fait le principe de sa politique. Cette politique a ses nuances, mais elle a toujours la même règle. Elle change parfois de chemin, elle ne change jamais de but. Ce but est de régénérer l’Orient par lui-même et d’assurer son indépendance par sa régénération. La France a compris que si l’Orient continuait à s’affaiblir et à dépérir, il tomberait tôt ou tard sous le joug de son plus puissant voisin, ou peut-être de deux ou trois voisins, car il faut compter l’Angleterre comme étant par sa marine la voisine de tout le monde. La France a donc de tout temps visé à la régénération de l’Orient.

Cette régénération a eu plusieurs phases, et je dirais volontiers plusieurs espérances. Beaucoup de personnes ont pu croire d’abord que cette régénération s’accomplirait par la Turquie. C’était la solution la plus commode et la plus simple du problème. Toute l’Europe impartiale, tous les états qui ne peuvent avoir rien à gagner au démembrement de la Turquie ont aidé de leur mieux à l’accomplissement de cette régénération de l’Orient par la Turquie. La France a prêté ses ingénieurs, ses officiers, ses médecins ; la Prusse a fait de même avec le même zèle et dans la même intention. Peu à peu cependant les difficultés, peut-être même l’impossibilité de l’œuvre, se sont manifestées. En même temps s’est révélé un fait qui a dû attirer l’attention de tous les cabinets européens, plaire aux uns, déplaire aux autres, être pour tous un grave sujet de réflexions.

Cette régénération, qu’on essayait d’accomplir au centre de l’empire ottoman, dans sa capitale, dans son gouvernement, et qui rencontrait tant de résistances et tant d’échecs, s’accomplissait plus aisément et de meilleure grâce aux extrémités. L’Égypte se civilisait sous le joug impérieux de Méhémet-Ali ; les principautés danubiennes jouissaient des commencemens du protectorat russe, et se rapprochaient chaque jour de l’Europe ; la Grèce, émue à la fois par les idées nouvelles et par les souvenirs anciens, reconquérait son indépendance, et réveillait l’imagination et l’émotion de l’Europe. Tunis, avertie par l’exemple d’Alger, devenue française, essayait de se former aux mœurs de l’Occident. Enfin, tandis que le corps de l’empire turc résistait aux efforts de civilisation que faisaient les