la question intérieure. Que le gouvernement ottoman soit actif, juste et fort au dedans, qu’il s’applique à obtenir une administration probe et régulière, qu’il gagne la confiance des populations chrétiennes, et alors il n’aura plus à s’inquiéter de l’union des principautés danubiennes ou de l’indépendance du Monténégro. Malheureusement pour lui, comme la réforme intérieure est difficile à faire, comme elle déplaît à tous ceux qui seraient chargés de la faire, comme chaque fonctionnaire vit et s’enrichit des abus qu’il faudrait supprimer, la Porte-Ottomane et ses ministres aiment mieux s’occuper de la question extérieure ; ils aiment mieux poursuivre cette restauration musulmane à laquelle les états occidentaux donnent les mains, les uns par calcul ambitieux, les autres par faiblesse. Il faudrait fortifier et affermir la Turquie au dedans ; on tâche de l’agrandir au dehors. Cela d’une part est plus facile, grâce à la complaisance ou à la division de l’Europe ; cela en même temps a grand air. Qui pourrait en effet douter de la puissance de la Turquie, quand on la voit figurer dans toutes les négociations diplomatiques, quand ses veto, aidés, il est vrai, du veto de l’Autriche et de l’Angleterre, empêchent l’union des principautés ? Peu importe la vitalité intérieure, la vie extérieure est tout : l’arbre n’a plus d’aubier, mais l’écorce vit, même elle se gonfle et semble grossir l’arbre ; cela suffit pour la perspective.
Pendant que la Turquie n’est plus pour l’Europe qu’une perspective, elle n’est, selon M. Pitzipios, qu’une exploitation pour les fonctionnaires turcs et pour quelques étrangers
- … S’empressant ardemment
- A qui dévorera ce règne d’un moment.
Sur ce dernier point, l’intervention des étrangers dans l’administration de l’empire ottoman, M. Pitzipios donne des renseignemens et des détails que je me garderais bien de garantir, mais qui méritent une sérieuse attention. Il est bien entendu qu’il ne s’agit pas ici des conseils et des avertissemens que la diplomatie européenne donne à la Porte-Ottomane. C’est son droit et son devoir. L’exécution du hatti-humayoun est placée sous la garantie et sous le contrôle de l’Europe diplomatique. Quand l’Europe en a constaté la haute valeur dans l’article 9 du traité de Paris, elle constatait, j’imagine, la valeur d’un acte qui serait exécuté, car quelle valeur a un acte qu’on n’exécute pas ? L’intervention de la diplomatie européenne à Constantinople est donc tout à fait légitime. Elle peut bien causer parfois quelques embarras à la Porte-Ottomane ; mais après tout, pour la Turquie elle-même et particulièrement pour les populations chrétiennes de l’Orient, cette intervention est utile et salutaire. Loin de vouloir la restreindre, nous voudrions l’étendre.