des soldats turcs. Les Turcs respectent les tombeaux des chrétiens de l’Orient, mais ils insultent les tombeaux des soldats français morts dans les hôpitaux de Constantinople des blessures qu’ils avaient reçues en Crimée en défendant la Turquie contre la Russie, et M. Pitzipios ajoute : « Ceux qui profanèrent ainsi les restes des héros de la Crimée en renversant et en foulant aux pieds les croix que leurs frères d’armes y avaient placées n’étaient pas des gens du peuple mahométans ; c’étaient les cadets de l’école militaire turque, ayant à leur tête leurs officiers et leurs professeurs. » Nouveau témoignage que ces violences contre les Européens ne doivent pas seulement être attribuées au fanatisme mahométan, mais que la haine des étrangers y a une grande part.
Que faut-il penser de cette haine ou de cette répugnance des étrangers, commune en Turquie aux chrétiens et aux mahométans ? Faut-il s’en plaindre comme d’une odieuse ingratitude ? Cette plainte est tout à fait permise, mais elle est fort inutile. Faut-il au contraire que l’Europe, tout en désapprouvant ce sentiment, s’en préoccupe dans la conduite qu’elle doit tenir en Orient ? Ce serait là mon avis, si j’avais droit d’en donner un. Depuis trente ans, l’Occident se mêle trop de l’Orient ; il en paralyse l’action. La question d’Orient a pu, depuis trente ans, avoir deux ou trois fois déjà des dénoûmens orientaux, bons ou mauvais, que l’Europe a empêchés, et comme en même temps l’Europe n’a pas pu ou voulu donner à cette question aucun dénoûment, la pièce s’est prolongée jusqu’à nos jours en se compliquant chaque jour davantage. Dieu seul aujourd’hui sait comment finira cet immense imbroglio !
Ici, entendons-nous, je ne parle que des dénoûmens orientaux : ce sont ceux-là seulement que je me plains que l’Europe ait empêchés. Personne en effet ne pourra croire que je blâme l’Europe d’avoir empêché, il y a quatre ans, le dénoûment russe que l’empereur Nicolas voulait donner à la question d’Orient. Ce dénoûment russe supprimait tout dénoûment oriental pour l’avenir, en ôtant à l’Orient son indépendance. Il faut que personne n’intervienne en Orient ou que tout le monde y intervienne : point de milieu. Une intervention partielle est une conquête et une usurpation. Cette conquête et cette usurpation dérangent l’équilibre européen. Il est donc de l’intérêt de l’Europe de s’opposer à toute intervention partielle. Elle l’a fait pour la Russie, elle le ferait pour l’Autriche, pour l’Angleterre ou pour la France, pour la puissance enfin qui chercherait à se faire en Orient un domaine privé. Si l’Orient ne peut pas s’appartenir à lui-même, il faut qu’il appartienne à tout le monde, et non