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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/424

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le corps législatif, qu’on finit par dissoudre. Depuis cette époque, le parti antiprotectioniste se propagea avec rapidité, d’abord à Zante et ensuite dans les autres îles. Des rigueurs impolitiques, les vexations d’une police inquisitoriale, ont plus contribué à lui acquérir des partisans que l’influence de ses chefs, quoique ceux-ci n’aient pas craint de souffrir pour la cause qu’ils avaient embrassée. Relégués dans les îlots, déportés sans jugement sur des rochers arides, leur constance parlait plus éloquemment que tous les discours. Le gouvernement était engagé dans une fausse route ; des potences se dressèrent à Céphalonie, et aucun insulaire ne voulant servir de bourreau, un sergent anglais fut chargé d’étrangler les malheureuses victimes d’un déplorable système de compression et de vengeance. Des soldats de l’armée britannique transformés en exécuteurs des hautes-œuvres flagellèrent des centaines de condamnés, dont les douleurs allumèrent dans les âmes une haine qui est loin d’être complètement apaisée.

On peut déjà se faire une idée des aspirations des partis ioniens : plusieurs des questions soulevées dans les derniers temps ne peuvent avoir aucune application actuelle ; mais en dehors de ces questions, évidemment spéculatives, tous ceux qui se préoccupent de l’avenir et du bonheur de leur pays demandent avec raison des réformes et des améliorations dont la nécessité n’est guère contestable. Si on porte d’abord ses regards sur l’organisation du gouvernement, on est frappé de la confusion qui règne dans les régions du pouvoir. La constitution de 1817, œuvre de violence et de fourberie, avait du moins le mérite de la logique. On n’en saurait dire autant du régime actuel, mélange bizarre d’autocratie et de libéralisme. Tandis qu’on accordait la liberté de la presse et des élections, qu’on promulguait une loi électorale dont les bases sont fort larges, on laissait debout un pouvoir exécutif dont les prérogatives exorbitantes excluent toute espèce de liberté.

Le sénat, qui l’exerce conjointement avec le lord-commissaire, — τὸ ἐν ϰαὶ πᾶν (to en kai pan),[1] — semble au premier coup d’œil présenter des garanties d’indépendance. Les ministères sont confiés aux cinq membres qui le composent. Le haut-commissaire est obligé d’en choisir trois dans le corps législatif ; il peut en prendre deux en dehors de cette assemblée, à la condition que les quatre, grandes îles soient représentées chacune par un sénateur, et qu’un cinquième membre du sénat appartienne à une des trois petites. Ainsi le personnel du sénat se compose d’un sénateur natif de Corfou, d’un de Céphalonie, d’un de Zante, d’un de Santa-Maura. Paxo, Théaki et

  1. Un et tout.