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Cérigo ont un sénateur l’une après l’autre. De cinq en cinq ans, le président du sénat doit aussi être pris successivement dans une des quatre grandes îles. Cependant toutes ces entraves n’embarrassent guère le haut-commissaire. En effet, le président a double vote, les deux membres qui peuvent être choisis en dehors du corps législatif sont nécessairement dévoués au lord-commissaire. Celui-ci est donc assuré de quatre votes, et les trois autres ne « ont guère douteux, car sur une chambre de quarante-deux membres, même quand elle est élue en vertu d’une loi très libérale, rien n’est plus facile que de trouver trois députés à la discrétion du pouvoir.

Le corps législatif, dira-t-on, n’est-il pas là pour surveiller le pouvoir exécutif ? Malheureusement son action est annulée en fait par deux prérogatives que possède le sénat. Le sénat est irresponsable, et il peut exercer la puissance législative. En tant qu’il est irresponsable, il n’a aucun besoin d’avoir la majorité dans le parlement. Il peut à son gré braver l’opposition du corps législatif, le faire proroger par le lord-commissaire, ou encore obtenir une ordonnance de dissolution que la reine peut rendre au besoin. De plus, il a non-seulement, comme le haut-commissaire, comme le parlement, le droit de proposer des lois, mais il peut, ainsi que le commissaire, refuser sa sanction à toutes celles qui seraient votées par le corps législatif. Une loi ainsi repoussée ne peut plus être proposée qu’une fois dans la durée du parlement, c’est-à-dire en cinq ans. Admettons que le haut-commissaire, le sénat, le corps législatif, parviennent à s’entendre. La reine d’Angleterre a la faculté, pendant la première année de la promulgation, d’abroger toutes les lois émanées des pouvoirs ioniens et approuvées par son représentant.

Comme les éventualités de lutte sont plus aisées à prévoir que les chances de bonne intelligence, il reste au sénat une dernière ressource pour faire prédominer ses vues, le régime des ordonnances. Il fait ce que Charles X a vainement essayé en juillet 1830. Le parlement ne se réunissant que tous les deux ans, le sénat, dans l’intervalle des sessions, qui durent trois mois à partir du 1er mars, pourvoit aux cas d’urgence par des décrets. Débarrassé, pendant vingt et un mois sur vingt-quatre, d’une surveillance incommode, il peut profiter de cette situation pour interpréter, pour modifier et même annuler les lois faites avec le concours des autres pouvoirs. Le parlement a, je le sais, le droit de casser les ordonnances du sénat, que ce corps est obligé de soumettre à son approbation ; mais, lorsque les députés sont rentrés dans leurs foyers, rien n’empêche de remettre en vigueur sous une autre forme le règlement qui n’a pas obtenu leur suffrage. Qui sait même si les mandataires de la nation assez hardis pour émettre une opinion indépendante n’auront