celui de Diane. Il est très amoureux et en même temps très scrupuleux dans ses procédés, parce qu’il est très délicat dans ses sentimens ; mais il est aussi très persévérant, et enfin il est très spirituel. Son esprit est à la vérité entaché de deux défauts, d’ailleurs communs à presque tous les autres personnages du roman, parce que ce sont les défauts du temps mais ils brillent surtout en lui : nous voulons parler de la subtilité et du pédantisme. Sylvandre est le grand argumentateur de l’Astrée ; c’est lui qui est chargé de plaider, sous toutes les formes, les thèses les plus subtiles, les plus élevées et les plus délicates en philosophie, en morale, en galanterie. En regard de cette figure, et pour lui faire opposition, d’Urfé en a créé une autre qui a aussi son agrément : c’est celle du berger Hylas, qui représente spirituellement la frivolité et l’inconstance. Hylas est le Galaor du roman, mais c’est un Galaor bien moins grossier que le frère d’Amadis ; il se moque de la fidélité en amour et parle sans cesse de ses bonnes fortunes ; les bergères s’amusent de ses forfanteries innocentes, et rien n’oblige un lecteur ingénu à prendre ses discours au sérieux. De même qu’Hylas est la contre-partie de Sylvandre, de même la bergère Philis, personne rieuse et moqueuse, qui tourmente un peu parfois son berger Lycidas tout en l’aimant au fond très sincèrement, fait un agréable contraste avec la physionomie fière et mélancolique de Diane. Qu’on ajoute à ces six personnages principaux, — Astrée, Céladon, Diane, Sylvandre, Hylas et Philis, — la vénérable figure du grand druide Adamas, et l’on aura à peu près au complet le groupe qui est le plus en vue parmi les bergers et les bergères de l’Astrée. Cependant il faut ajouter que tous ces bergers eux-mêmes ne forment que le point central d’un immense tableau ou l’on voit paraître des figures et des scènes très diverses. Dames et chevaliers de la cour d’Amasis, souveraine du Forez, Galathée, Léonide, Sylvie, Clidamant, Lindamor, chevaliers et dames appartenant à la nation des Visigoths, des Burgondes, des Francs ou des Romains, qui viennent consulter la fontaine de la vérité d’amour, et dont chacun raconte son histoire aux bergers du Forez, cortège de druides cueillant le guy sacré ou immolant à Teutatès, non pas des victimes humaines, mais des taureaux ou des génisses, épisodes de guerre, combats en champ clos, tournois, batailles, siège de Marcilly, présentée dans le roman comme la capitale du Forez, telles sont les scènes variées qui se déroulent autour de la scène principale représentant généralement une assemblée de bergers et de bergères assis, sous l’ombrage, aux pieds de Diane, qui préside sur un siège plus élevé, tandis que Sylvandre et Hylas, debout et dans l’attitude de deux avocats, discutent une thèse de métaphysique ou de galanterie.
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