avenues. À part cet obstacle, il est douteux qu’il en fût revenu beaucoup, car de ceux qui étaient restés auprès de leurs maîtres le plus grand nombre s’échappa dès les premières journées du siège. La désertion commença par eux, et dans cette série de misères qui tour à tour vinrent assaillir les défenseurs de Lucknow, l’obligation de se servir eux-mêmes n’est pas celle qui tint le moins de place. Leurs doléances à cet égard sont unanimes, et font comprendre à quel degré peut arriver l’amour des habitudes indolentes que fait contracter un séjour dans l’Inde.
Les insurgés cependant n’osèrent pas risquer le passage des deux ponts, le pont de fer et le pont de pierres, que dominait l’artillerie soit de la résidence, soit de la Muchie-Bhaoun. Ils se bornèrent à élever en hâte, au-delà de la rivière Goumti, une batterie où prit place l’obusier qu’ils avaient enlevé le matin, et qu’ils manœuvrèrent de manière à prouver que les artilleurs exercés ne manquaient pas dans leurs rangs. Puis, pratiquant des meurtrières dans toutes les maisons d’où l’on avait vue sur l’enclos tant bien que mal fortifié par les Anglais, ils ouvrirent un feu de mousqueterie qui ne discontinua pas de toute la nuit et de toute la journée suivante (1er juillet). Le matin, ils avaient essayé une attaque de vive force ; mais elle n’aboutit qu’à les rendre un peu plus circonspects. Retirés à l’abri des maisons et surtout des mosquées voisines que sir Henry Lawrence, arrêté par d’honorables scrupules, avait trop hésité à faire abattre, ils passèrent la journée à mettre en position les canons qui leur arrivaient.
Pour se faire une idée générale de l’attaque et de la défense, il faut se représenter l’enclos fortifié (compound) autour de la résidence comme un pentagone irrégulier s’étendant en longueur du nord-est au sud-ouest. La rivière Goumti coule au nord de cette enceinte, dont la séparent deux mosquées, un vaste bazar (Captan-Bazar), et trois ou quatre palais occupant un terrain considérable (Tarie-Khotie, Dil-Aram, Feradbouksh, Chuttur-Munzil Palaces). À la pointe nord du pentagone est une éminence au pied de laquelle coule un canal dérivé de la Goumti, et qui de ce côté forme une sorte de fossé naturel. Là se trouvent des habitations d’officiers disposées en forteresse et occupées par un de ces petits corps qu’on regardait comme autant de garnisons détachées : la garnison Innes, ainsi désignée du nom de l’officier qui la commandait[1]. Sur la face, assez développée, qui de ce point mène à l’angle le plus en relief dans la direction du sud, sont deux batteries inachevées. La face
- ↑ Le lieutenant J. J. Macleod Innes, officier du génie dans l’armée du Bengale. Il a écrit, lui aussi, un récit du siège de Lucknow, plus particulièrement curieux comme étude militaire : Rough Narrative of the siege of Lucknow, Calcutta 1857.