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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/592

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sistance des riverains, indolence des ouvriers, fièvres, inondations. Ses canaux, assez mal creusés, ne tardèrent pas à se détériorer complètement par la négligence des propriétaires riverains. En 1810, une commission d’ingénieurs fut enfin chargée de dresser un plan général des améliorations à exécuter dans les États-Romains; Prony eut à s’occuper de la partie marécageuse du département du Tibre. Il fit des études; mais au moment où il terminait son projet, l’empire s’écroulait. Tous les travaux projetés ou entrepris en Italie furent naturellement abandonnés, et ce pays revint à son antique constitution, partant à son apathie et à son impuissance.

De retour à Paris, Prony n’en réunit pas moins ses études dans un intéressant mémoire qu’il termina par la proposition, sinon de restaurer le vieux port romain de Terracine, complètement ensablé aujourd’hui, du moins de creuser entre cette ville et l’émissaire des canaux de dessèchement, à Torre-Badino, un canal capable, par sa profondeur et son étendue, de recevoir les navires caboteurs en chargement ou en relâche. De Civita à Gaëte en effet, le long de cette côte battue par les vents, les navires manquent complètement d’abri, car on ne peut compter pour tel Porto-d’Anzio. Et cependant, outre cet ancien port, les Romains en avaient fondé plusieurs autres, Terracine, Astura, Ostie, qui tous ont été ensablés par les atterrissemens de la côte. L’essentiel, avant d’ouvrir un port, serait donc de bien observer dans quelles conditions s’opèrent ces ensablemens. Ce qui est certain, c’est que le fond des baies a été soumis à un ensablement plus actif que les parties saillantes; c’est de plus que les ports si puissamment comblés étaient tous ouverts à l’est : double fait qui prouve que sur ces plages un port doit être rapproché le plus possible d’un cap, et fermé à l’est pour s’ouvrir sur l’ouest. Or le cap Circé est sous ce rapport dans d’excellentes conditions. A son pied même, il y a un tirant d’eau suffisant pour les navires de grand tonnage, et tout autour de ce cap la plage sous-marine s’abaisse par une pente fort rapide. Cette profondeur garantit donc, même pour l’avenir le plus reculé, les abords du cap de tout atterrissement. Au pied de la tour Paola, vers l’ouest, se trouve un petit lac transformé en pêcherie, séparé de la mer par une centaine de mètres, environ. On pourrait draguer en partie ce lac, le mettre en communication avec la mer par un chenal ouvert convenablement à l’ouest. Le bassin intérieur serait protégé par le mont Circé, par les dunes de sables, que l’on pourrait planter d’arbres, et par les terres intérieures. Le chenal, abrité des vents et presque porté en pleine mer, serait facilement accessible aux navires à voiles, pour lesquels il est souvent ou impossible ou imprudent de pénétrer jusqu’au fond d’une baie afin d’y trouver un bassin de refuge.