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les paysans établis dans les domaines privés, les diverses couches du servage se formèrent successivement par la guerre, la domesticité, l’engagement volontaire, la vente, les entraves mises à la migration, et plus tard enfin par l’affermissement des paysans à la glèbe, à l’image du régime suivi pour les terres domaniales. Si la situation légale des paysans de la couronne n’a pas changé depuis cette première organisation, le cours naturel des choses leur a fait une position particulière. Le paysan du fisc (kazienny) a profité de la fixité relative des redevances pour échapper aux plus durs résultats de l’asservissement. L’institution de la commune l’a couvert d’une sorte de protection. Il a pu obtenir un passeport pour aller chercher du travail, en acquittant la part due au trésor, et cette part s’est trouvée déterminée par l’organisation générale des terres de la couronne.

L’étendue des terres arables concédées varie beaucoup suivant les localités. Dans les trente-cinq gouvernemens où tous les paysans de la couronne paient l’obrok, la proportion moyenne des terrains par individu mâle descend de 27,44 dessiatines (Stavropol) et 21,65 (Astrakhan) à 1,05 (Charkof), 0,75 (Koursk), 0,53 (Pultava). — Pour ne citer que les exemples les plus notables, cette proportion est de 9,08 dessiatines dans le gouvernement de Saint-Pétersbourg, de 5,95 dans celui de Saratof, de 2,85 dans celui de Moscou. Les terrains improductifs, utilisés en partie comme pâtis, ne se trouvent point compris dans ces chiffres. On considère comme bien dotés en terrains productifs les gouvernemens qui comptent trois dessiatines par individu mâle; au-dessous, la dotation est regardée comme médiocre, mais elle ne descend aussi bas que dans neuf gouvernemens.

L’augmentation graduelle de la redevance et le mode de répartition ont grevé les paysans de la couronne d’une lourde charge. Afin de répartir celle-ci d’une manière plus égale, on a classé les divers gouvernemens en quatre catégories soumises à des taxes différentes; mais on a conservé un niveau commun pour chaque catégorie, sans tenir compte de l’étendue ou de la nature du sol, ce qui produit les plus tristes inégalités. Il en est résulté une accumulation d’impôts arriérés que des remises successives n’empêchent pas de renaître sans cesse. En 1814, le trésor effaça un arriéré de 30 millions; mais celui-ci s’élevait déjà à 96 millions de roubles-assignats en 1818. Le montant des arriérés remis de 1826 à 1836 a dépassé 66 millions; il y avait cependant à cette époque une somme pareille (63 millions) à recouvrer. Aujourd’hui encore des sommes considérables restent à percevoir. — La recette brute des domaines, en y comprenant les articles de fermage (comme moulins, pêcheries, etc.), se