semblait annoncer quelques projets d’attaque. Ce jour-là, dans la chambre même qu’il occupait à la résidence, un obus vint éclater entre sir Henry Lawrence et son secrétaire, sans blesser ni l’un ni l’autre. Les officiers de l’état-major insistèrent pour lui faire quitter cette pièce, sur laquelle les artilleurs ennemis, qu’un espionnage intelligent et actif aidait dans leurs manœuvres, paraissaient de préférence diriger leurs coups. Il repoussa en plaisantant cette inspiration d’une prudence qui lui semblait exagérée. « Jamais, disait-il, on ne logera un second obus dans un si petit cabinet. » Le lendemain matin, un peu après huit heures, accablé de fatigue, le général rentrait chez lui et se jetait pour quelques instans sur son lit. Quelques minutes plus tard, une bombe entrait par la fenêtre et venait éclater dans cette petite chambre, qui, en ce moment même, renfermait quatre personnes. Le général fut frappé à la hanche droite. Sa blessure était effrayante. Son neveu, couché sur un second lit, échappa comme par miracle à toute atteinte. Le capitaine Wilson, qui, un genou sur le lit du général, lui donnait lecture d’un document, fut renversé par des éclats de briques et légèrement frappé dans les reins par un fragment du projectile. Un domestique indigène eut le pied emporté.
Le premier examen suffit pour s’assurer que sir Henry Lawrence était frappé à mort. Lui-même ne se fit pas la moindre illusion, et au milieu de souffrances atroces perdit à peine, dans quelques accès passagers, l’usage de sa ferme et lucide intelligence. Transporté dans un des postes qui paraissaient le moins exposés au feu, il désigna le major Banks pour lui succéder en sa qualité de commissaire en chef, et plaça les troupes sous les ordres du colonel Inglis ; puis il enjoignit de cacher sa mort aussi longtemps que faire se pourrait, et il attendit ensuite, sans l’éloigner ou l’appeler de ses vœux, l’heure qui devait finir ses tortures : elles durèrent deux jours entiers. Le 4 juillet seulement, il rendit à Dieu son âme vaillante. Peu d’instans après, son neveu, si miraculeusement sauvé dans la matinée du 2, recevait une balle à l’épaule, sur le perron même de la maison où le général venait d’expirer.
Le journal du siège tenu avec une si grande exactitude par un officier d’état-major ne mentionne même pas les funérailles de sir Henry Lawrence. M. Rees est heureusement plus explicite. « Le moment, dit-il, était trop critique pour le consacrer à de vaines démonstrations de respect ! Une prière hâtive fut récitée sur ses restes au bruit des canons ennemis et des balles sifflant sur nos têtes, après quoi on les laissa tomber dans la fosse où l’on venait de précipiter quelques autres de ses plus humbles compagnons d’armes. Que de reconnaissance ne devons-nous pas à ce héros ! La paix du ciel soit donnée à son âme ! »