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événemens de mer, hasards et périls, vous avez bien rempli ce caractère en vous-même. Et quoique vous ne soyez pas empressé à faire votre éloge, d’autres n’ont pas été lents à le faire pour vous, et ils ont si vivement témoigné de votre courage, de votre valeur et de votre résolution, de vos habitudes posées, studieuses et attentives, de votre caractère généreux et obligeant, ainsi que de vos connaissances remarquables sur les choses militaires et les autres matières, que cela est pour moi un grand bonheur. Et je ne voudrais pas omettre de vous le déclarer, afin que vous ne soyez pas privé de l’encouragement que vous méritez si bien. Outre cela, je ne dois pas manquer de vous marquer combien je suis satisfait que vous soyez non-seulement Marti, mais encore Mercurio, et quel vif plaisir j’ai eu de voir que vous avez si bien poussé vos études iv bord. Les livres que je vous envoie seront, je m’en aperçois, peu difficiles pour vous, et avec une pareille application, jointe à votre promptitude d’esprit et à votre mémoire, il y a probabilité que vous arriverez à être non-seulement une noble navigateur, mais aussi un grand savant, ce qui sera fort à votre honneur et me comblera moi-même de joie. »


Je ne puis pas dire ce qu’il y a pour moi de touchant dans cette voix du savant paisible, de l’homme tout intellectuel, qui enseigne à la fois à son fils la bénignité, la patience, le zèle de l’étude et le devoir de se faire tuer bravement. Tout cela est empreint d’une poésie solennelle et douce qui a quelque chose de tout à fait anglais. Cela me rappelle ces pieuses et silencieuses familles d’ecclésiastiques d’où sont sortis tant de braves soldats, comme Nelson. Le jeune marin n’eut malheureusement pas le temps de tenir les promesses de son début. À partir du moment où son père lui adressait les encouragemens que nous avons lus (mai ou juin 1667), sa trace disparaît complètement. Une allusion contenue dans une lettre postérieure de bien des années nous apprend seulement que sa mort à ce moment datait déjà de loin. Des quatre autres enfans du médecin, il n’y en eut que deux qui lui survécurent : une fille et son fils aîné Edouard, qui, sans être un homme de génie, paraît avoir hérité de son insatiable curiosité, et qui fournit comme médecin une assez belle carrière.

Si j’ajoute que Browne en 1664 avait été nommé membre honoraire du collège des médecins, que, lors du voyage à Norwich de Charles II en 1671, il fut créé chevalier, et que le 19 octobre 1682 il mourut à l’âge de soixante-dix-sept ans après une courte maladie, j’aurai achevé ce que j’avais à dire de lui.

En terminant, j’aimerais à espérer que cette étude n’est pas entièrement dénuée d’un intérêt plus général et en même temps plus immédiat que celui qui s’attache à la connaissance d’une individualité ou même d’une époque déjà éloignée. Comme je le remarquais au début, Browne est un ressuscité de notre époque, et d’ordinaire un vieil auteur qui retrouve une seconde popularité ne la doit qu’à sa parenté morale avec la génération qui le fait revivre. Ne pou-