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une attention particulière. Que l’on se figure une sorte de cul-de-sac ouvert au sud, d’environ 1,200 mètres de profondeur sur 400 de large, et formé à l’ouest, comme le golfe de Californie, sauf la différence d’échelle, par une longue et étroite péninsule, également nord et sud, d’environ 150 mètres de largeur moyenne. De l’est de cette anse part une langue de sable de 30 à 35 mètres de large, élevée seulement de quelques pieds au-dessus de l’eau et se dirigeant au nord-ouest de manière à fermer complètement le cul-de-sac, dans lequel nul accès n’est possible que par la passe d’une centaine de mètres située entre la langue de sable et la péninsule. Dans ce havre, mieux fermé qu’aucun port creusé par la main de l’homme, la frégate l’Aurora, de 44 canons, et la corvette la Dwina, de 12, étaient embossées à l’abri de la langue de sable, qui protégeait leur flottaison connue eût pu faire un véritable parapet, sans toutefois paralyser en rien leur tir. Trois batteries défendaient du côté sud, c’est-à-dire à l’entrée du port, cette position, déjà si forte naturellement : l’une, la plus extérieure, de trois pièces, placée au haut d’une falaise sur la côte orientale; la seconde, de onze pièces, sur la même côte, à 1,200 mètres environ de la première et à la naissance de la langue de sable; la troisième, de cinq pièces, à la pointe Shakof, formant l’extrémité sud de la péninsule[1], c’est-à-dire en face des deux autres. Un navire ne pouvait donc venir chercher la frégate et la corvette russes qu’en défilant sous le feu de ces trois batteries, dont la seconde surtout semblait particulièrement forte, tant par le nombre de ses canons que par la solidité de sa construction. A l’ouest, le port que nous venons de décrire était masqué par les collines de la péninsule, collines interrompues à la hauteur de la ville par une dépression naturelle ou coupée, permettant d’apercevoir les mâtures des navires russes ; cette coupée était défendue par une batterie de six pièces commandant la rade. Enfin, à 1,000 mètres environ au nord de ce point, se terminait la ligne des montagnes de la presqu’île, et l’on y avait construit au bord du rivage une batterie de cinq pièces, dirigée également vers la rade. Selon toute probabilité, l’Aurora et la Dwina n’avaient dû conserver qu’un bord armé, ce qui, en rendant la moitié de leurs canons disponible, leur avait permis de fournir au moins en grande partie les canons des cinq batteries que nous venons de signaler. En somme, les Russes avaient distribué leurs moyens de défense avec une parfaite entente de la position, devenue, non pas impre-

  1. Cette pointe avait été ainsi baptisée par M. Dupetit-Thouars, commandant la frégate la Vénus, en mémoire de la cordiale hospitalité qu’il avait rencontrée chez M. Le gouverneur-général Shakof. L’amiral Zavoïka, gouverneur du Kamtchatka en 1854, était gendre du général Shakof.