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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/848

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Au moment où commençait pour le Mahârachtra cette ère de gloire et de prospérité, Sahou-Râdja, petit-fils du grand Siva-Dji, le fondateur de l’unité mahratte, menait au fond de son palais de Satara la vie d’un roi fainéant. S’abandonnant à la paresse et aux plaisirs, il avait délégué toute son autorité à un ministre ambitieux, mais capable de gouverner, le brahmane Balla-Dji Viçwanàth, de la province du Concan. Ce brahmane n’était point un héros; inhabile à monter à cheval, il ne pouvait se tenir en selle que soutenu par deux de ses officiers[1]. Lorsque le général en chef (sena-pati) Tchandar-Sayn-Djadou fut envoyé par le râdja pour lever les tributs dans les districts enlevés aux Mogols, Balla-Dji l’accompagnait en qualité de secrétaire; le brahmane contrôlait l’emploi des fonds perçus par le guerrier. Celui-ci ne tarda pas à prendre en haine le vigilant espion placé à ses côtés. Balla-Dji, menacé d’être mis à mort par Tchandar-Sayn, dut se résoudre à fuir. Les cavaliers du général en chef le poursuivaient à outrance; c’en était fait de lui : les commandans des forts n’osaient lui donner asile. Réduit à se cacher dans la campagne avec ses deux fils, le futur peshwa vit arriver à lui deux de ses amis dévoués, qui promirent de lever quelques troupes en sa faveur. Le râdja prit parti dans la querelle pour le brahmane; un chef mahratte, jaloux de n’avoir pas été nommé général en chef, se déclara contre Tchandar-Sayn, l’attaqua à la tête des troupes royales et le battit. Dès lors le brahmane Balla-Dji fut investi de la confiance du râdja Sahou. Il sut si bien établir son ascendant sur l’esprit du prince, qu’il régna lui-même, d’une façon absolue, avec le titre de premier ministre ou peshwa. Le véritable souverain, c’était Balla-Dji le brahmane; l’autre, oublié de ses peuples, coulait dans l’ombre des jours sans gloire, tandis que son empire s’accroissait incessamment par de nouvelles conquêtes.

Cependant Tchandar-Sayn-Djadou s’était retiré auprès de Nizam-Oul-Moulouk, qui gouvernait pour le Grand-Mogol, en qualité de vice-roi, la province du Dekkan. Celui-ci accorda des terres au fugitif; sous prétexte de le venger, mais en réalité désireux d’arrêter les incursions des Mahrattes, il fit avancer des troupes contre l’armée du râdja Sahou, qui fut rejetée au-delà du Godavéry. Le brahmane Balla-Dji, décoré du titre de sena-kart, agent militaire, se mit en marche pour résister aux musulmans. Ce fut alors que le zemindar Naraïn-Dji mit sur pied les vingt-cinq cavaliers qui formaient son contingent. Quand la petite troupe fut prête à partir, Naraïn, qui n’avait point oublié le prodige du serpent en adoration devant son neveu, fit présent à celui-ci d’un beau cheval tout harnaché. — Molhar, lui dit-il, nous sommes en guerre avec les musul-

  1. Voyez History of the Mahrattas, by James Grant Duff, esq.