Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/853

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

çoûdra[1] mahratte ne tarda pas à conquérir des grades élevés. Des fiefs considérables lui ayant été accordés, il fonda au nord du pays de Malwa la célèbre et puissante famille des Sindyah. Jamais il ne montra ni l’avarice ni la morgue d’un parvenu. Libéral à l’excès, il dépensait en largesses les sommes considérables qu’il avait gagnées à la pointe de son sabre. On a raconté, — et le fait a été confirmé depuis par un résident anglais à la cour de Satara[2], — qu’à l’époque où il occupait le premier rang parmi les chefs de la confédération, Rano-Dji-Sindyah portait partout avec lui, soigneusement enfermées dans une petite boîte, les vieilles babouches du peshwa, ne perdant jamais de vue ces humbles insignes de son ancien emploi, qui avaient été aussi la cause de son élévation. Il se lia d’une amitié sincère avec Molhar-Rao-Holkar, comme lui paysan, et comme lui arrivé au pouvoir par ses talens militaires.

On assure que ni l’un ni l’autre de ces deux chefs puissans ne savait écrire son nom. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’au milieu de leurs camps prévalut, durant de longues années, une simplicité vraiment antique. On vit, après un combat, Sindyah allumer de ses mains le feu du bivouac, s’asseoir sur la housse de son cheval, et dicter, en fumant son narguileh, des ordres à ses secrétaires. Serviteurs et soldats l’approchaient familièrement et s’entretenaient à haute voix et avec gaieté autour de lui. Aucun cri farouche, aucun élan de fanatisme ne troublait ces campemens, qui ressemblaient à une halte de pasteurs armés. C’étaient pourtant là les hordes qui débordaient sur l’Inde et levaient partout des contributions. Vouées au métier de la guerre, elles n’avaient ni l’entraînement sauvage des Rohillas, qui devaient jouer plus tard un rôle considérable, ni la soif de carnage qui emportait les Afghans. Abandonnant aux brahmanes la ruse et le mensonge, les cavaliers mahrattes, toujours prêts à l’attaque, allègres après la victoire, prompts à se remettre après une défaite, semblaient heureux de passer leur vie dans d’éternelles chevauchées.


II.

Ce fut vers l’an 1731 que les noms de Holkar et de Sindyah, devenus inséparables dans l’histoire, commencèrent à acquérir une certaine renommée. Holkar, qui possédait déjà douze districts au nord de la Nerboudda, en reçut soixante-dix autres de la cour de

  1. Les çoûdras du Mahârachtra se divisent en trois grandes tribus : les koumbies ou cultivateurs, les doungars ou pasteurs de bêtes à laines, les gowalas ou pasteurs de gros bétail. Molhar-Rao-Holkar appartenait à la seconde de ces castes et Sindyah à la première.
  2. Voyez la note du capitaine Stewart, citée par sir John Malcolm.