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les mains quand il quitte le premier stage, et on y ajoute une partie du salaire plus élevé qu’il gagne dans le second, en lui laissant la faculté de dépenser 6 pence (60 centimes) par semaine. Ces livrets sont souvent l’objet d’un examen amical de la part du directeur. Le prisonnier est libre d’acheter tout ce qui lui convient, excepté des liqueurs enivrantes. Quand les 6 pence ont été régulièrement ajoutés aux économies, ce qui est le cas ordinaire, le détenu est félicité non-seulement de l’accroissement de ses ressources, mais surtout de l’empire qu’il exerce sur lui-même. A-t-il dépensé son argent pour un objet utile au moment de l’élargissement, pour quelque vêtement par exemple, c’est encore un motif de satisfaction. Dans certains cas, le directeur donne des signes de désapprobation, sans toutefois restreindre la liberté du convict dans l’emploi de son pécule. Un jour le capitaine Crofton trouva qu’un prisonnier avait depuis plusieurs mois employé les 6 pence de la semaine à acheter du tabac. Sans laisser échapper un seul mot de blâme, il lui demanda quelle habitude l’avait entraîné hors des voies de la probité. « L’ivrognerie, répondit le convict. — Ne craignez-vous pas d’y retomber quand vous aurez quitté ces lieux? — Oh non! je n’ai pas bu depuis plusieurs années, et je m’en passe à merveille. — Mais vous avez passé plusieurs années sans fumer, et quoique vous ayez d’abord beaucoup souffert de cette privation, vous avez enfin reconnu qu’elle n’affectait pas votre santé; maintenant, dès qu’il vous est permis d’acheter du tabac, vous usez de la permission. Si vous n’êtes pas capable de résister à la tentation du tabac, comment pouvez-vous être sûr de résister à celle de la boisson? » Cet entretien fit réfléchir le pauvre homme, et une inspection ultérieure de son livret montra qu’il avait graduellement diminué sa dose de narcotique jusqu’à ce qu’il y eût tout à fait renoncé.

Les études commencées à Montjoy prennent un grand développement dans le stage intermédiaire. On y apprend l’histoire, et on y continue surtout l’étude de l’émigration, dont on a fait une science. Les principes de l’économie politique y sont même enseignés, principalement ceux qui concernent les rapports de l’ouvrier et du maître. Enfin la soirée du samedi est consacrée à une conférence, d’un grand intérêt pour les détenus, dans laquelle ils se posent mutuellement les questions qui ont été traitées devant eux par l’instituteur.

Troisième stage. — Les directeurs cherchent de l’ouvrage pour les hommes qui ont subi d’une manière irréprochable toutes les épreuves du stage intermédiaire, et le nombre de demandes de la part des chefs d’atelier excède de beaucoup celui des convicts à placer. Ils passent alors dans le troisième stage, et sont pourvus d’un ticket of leave qui leur confère une liberté provisoire. Dans