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perspectives ; il y a là assez de bienfaits à préparer à la France pour illustrer la carrière d’un grand homme.

Le gouvernement, nous le croyons, est trop éclairé par ces grâces d’état qui illuminent le pouvoir lorsqu’il consulte avec bonne foi les intérêts nationaux, pour ne point incliner vers les mesures favorables à la liberté en matière commerciale. Une occasion délicate va s’offrir à lui, avant la fin de ce mois, de faire savoir de quel côté il est décidé à s’engager activement. C’est le 30 septembre qu’expire la suspension de l’échelle mobile, relative à l’introduction des céréales étrangères. Le gouvernement cèdera-t-il aux obsessions des protectionnistes ? rétablira-t-il cette échelle mobile, qui ne sert qu’à exciter et à dérouter dans les voies d’une spéculation aléatoire le commerce des grains, et qui, contre la nature des choses, renchérit le prix du pain dans les portions du territoire où le commerce étranger, s’il était libre, le fournirait au plus bas prix ? Ou bien, n’osant pas encore accepter franchement le libre commerce des grains, en soumettra-t-il l’entrée à un droit modéré et fixe ? Cette dernière détermination serait au moins un pas vers la liberté, et ce pas, nous l’espérons autant que nous le souhaitons, le gouvernement le fera. Le conseil-général de l’Hérault a encore émis à ce sujet un vœu intelligent et pratique. Il a aussi, dans son zèle pour les bonnes doctrines et pour les vrais intérêts du pays, demandé la fondation à ses frais d’une chaire d’économie politique à Montpellier. Nous ne doutons point que le gouvernement ne sanctionne ce vœu. On dit, il est vrai, qu’une incertitude s’élève sur la question de savoir si cette chaire devra relever de M. Le ministre des travaux publics ou de M. Le ministre de l’instruction publique. Nous ne sommes point assez savans dans la géographie des attributions ministérielles pour dire de quel département devrait dépendre la nouvelle chaire. Seulement M. Le ministre des travaux publics a donné assez de gages de la bonne direction de ses idées économiques pour que l’on eût vu avec plaisir le nouvel enseignement s’élever sous son influence.

On prête au prince Napoléon des intentions favorables à l’établissement d’un régime de liberté commerciale en Algérie. Il ne saurait y avoir de puissance colonisatrice plus féconde et plus rapide que la liberté du commerce, et il est impossible que le prince Napoléon n’appelle point cet auxiliaire à son secours, s’il veut voir promptement les fruits de l’œuvre à laquelle il attache son nom. Cette œuvre est hardiment commencée, si nous en jugeons par le rapport récemment publié, qui dessine la future organisation de l’Algérie. Peut-être quelques personnes trouveront-elles que ce rapport déclare d’avance et trop hautement des projets qu’il eût été préférable de réaliser en silence pour mieux en assurer le succès ; ces personnes ont surtout en vue les idées émises sur la nécessité de briser le faisceau de la tribu arabe, pour créer les rapports individuels et directs de la population musulmane avec l’autorité civile française. Nous n’oserions exprimer un avis sur ce point. Nous approuvons le but poursuivi par le prince Napoléon, et nous croyons que le ministère de l’Algérie est meilleur juge que nous des élémens sur lesquels il doit agir et de la convenance qu’il y a à ne point dissimuler les transformations sociales qui doivent être accomplies dans la population musulmane.