Un de mes amis me racontait que, pendant son séjour à Londres, il logeait avec un vieux major anglais qui avait longtemps vécu sur le continent. Le major était gai, vif, familier ; il avait laissé sur le continent une partie de son enveloppe anglaise, et, comme il évitait avec soin dans la conversation de sortir du terrain des idées générales, on pouvait croire en l’écoutant qu’on avait affaire, non à un Anglais, mais à un compatriote. Le dimanche, lorsque tout le monde se rendait à l’office divin, le major seul restait au logis. « J’ai trop vécu sur le continent, je me suis gâté parmi vous, » répondit-il à notre ami, lorsque ce dernier lui fit remarquer en souriant qu’il s’était soustrait à l’observance du dimanche anglais. Enhardi par cette réponse, son interlocuteur, sans doute pour l’encourager dans ces bons sentimens, crut innocent de faire quelques plaisanteries sur l’hypocrisie religieuse, et en particulier sur l’église anglicane, pour laquelle il avait alors une haine intellectuelle tout à fait décidée. Un silence glacial accueillit ces téméraires plaisanteries : notre ami comprit que jusqu’alors il n’avait eu affaire qu’à un homme factice, à un cosmopolite, et qu’il venait de rencontrer à l’improviste l’homme véritable, l’Anglais. Dûment interprété, ce