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à lui les détachemens épars dans le pays, Madha-Dji-Sindyah battit en retraite. Il avait laissé ses gros bagages dans la forteresse de Gwalior et sa plus lourde artillerie dans le fort de Bharatpour, qui appartenait aux Djats, anciens et fidèles alliés des Mahrattes. Pendant huit jours, il y eut entre son armée et celle des Radjepoutes, unis aux troupes d’Ismaël-Beg, des escarmouches continuelles. Les rebelles, enhardis par de nouveaux soulèvemens, venaient d’investir Agra, que défendait le brahmane Lackwa-Dada, homme habile et énergique. Madha-Dji-Sindyah, pour affermir les Djats dans leur résistance, envoyait vers eux de Boigne à la tête de deux brigades d’infanterie régulière, et un corps de cavalerie commandé par Rannay-Khan, — ce même porteur d’eau, Mogol de race, qui l’avait sauvé sur son bœuf après la défaite de Paniput[1]. Tandis que les Djats marchaient au secours d’Agra, les rebelles, conduits par Ismaël-Beg, leur livrèrent bataille. Au premier coup de canon, une partie des Djats, aux ordres d’un musulman, passa à l’ennemi. Leur infanterie, attaquée avec une impétuosité extraordinaire, fut mise en fuite; les brigades disciplinées et commandées par un Français du nom de Listenaux furent les seules qu’on vit tenir tête aux rebelles. Les Mahrattes, qui formaient l’aile gauche, ne durent leur salut qu’à l’intrépidité et au courage inébranlable des bataillons commandés par de Boigne.

Sans les deux officiers français, c’en était fait de l’armée combinée des Djats et des Mahrattes de Sindyah. La bataille fut perdue, mais les vaincus purent opérer leur retraite en bon ordre. Quelques jours après, devant Agra, que défendait toujours vaillamment le brahmane Lackwa-Dada, un nouveau combat ayant été livré, de Boigne prit une éclatante revanche. Ce fut une véritable bataille rangée ; Ismaël, animé par ses récens succès, entraîna ses troupes avec une ardeur qui semblait présager un triomphe certain; mais cette impétuosité vint se briser devant les campos, — tel était le nom donné vulgairement aux bataillons du vaillant de Boigne. Voyant ses troupes battues et dispersées, Ismaël-Beg, grièvement blessé, se jeta dans la Djamouna avec son cheval, et courut se réfugier auprès de Gholam-Kader. Ce dernier était le petit-fils du Rohilla Nadjib-Oul-Dowlah, grand-vizir du sultan Alamguir; ennemi des Mahrattes et de Sindyah, il avait rejoint les rebelles après leur première victoire, et commandait un corps de troupes considérable. Rassemblant à la hâte l’armée des révoltés, battue la veille et débandée, Gholam-Kader se porta rapidement sur Dehli, pénétra de force auprès de l’empereur, l’insulta, lui arracha les yeux et se

  1. Voyez la livraison du 15 août.