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idées qui le remplissent les forces d’un talent quelquefois mieux inspiré. L’auteur d’une Histoire biographique de la Philosophie qui est loin d’être sans mérite, M. Lewes, a donné une analyse claire et substantielle du positivisme. Il me semble que M. F. Newman a parfois payé à cette doctrine un tribut d’attention et d’estime que ne lui refuse pas la Revue de Westminster. Enfin un ouvrage très distingué d’un homme très distingué, le Traité sur les méthodes d’observation et de raisonnement en politique de sir George Lewis, a été originairement et en partie provoqué par l’examen des méthodes et des conclusions du positivisme. Il faut qu’une doctrine ait quelque puissance pour mériter un tel adversaire.


IV.

Ce n’est donc offenser en rien l’auteur de l’Histoire de la Civilisation en Angleterre que de rattacher par quelques liens son ouvrage à la philosophie positive. Il déclare n’y pas souscrire entièrement ; nous lui donnons acte de ses réserves : il est loin de toute servile adhésion. Comme auteur, il a plus de talent que M. Comte, plus de variété dans les idées. Il est plus heureux dans le choix des exemples et des applications qui servent à sa thèse d’illustrations. Tandis que M. Comte, hors des matières de l’enseignement polytechnique, affecte une indifférence à tout ce qu’on peut apprendre qui pourrait porter un autre nom, tandis qu’il va jusqu’à se vanter de n’avoir lu dans aucune langue ni Vico, ni Kant, ni Herder, ni Hegel, M. Buckle montre à chaque page une connaissance étendue de la littérature et de l’histoire des grands peuples modernes, et s’il y a en ce genre quelque chose à lui reprocher, c’est l’abus des citations et des autorités. Encore moins pourrait-il être soupçonné d’aucun ingrat dédain pour les institutions de son pays. Sans qu’il songe jamais à rendre la comparaison humiliante, il ne cache pas qu’il les préfère à celles d’aucune nation de l’Europe ; il les regarde comme d’utiles instrumens de civilisation générale. S’il admet avec M. Comte que la science doit dominer la société, il ne pense pas que ce soit par l’intermédiaire de l’absolutisme, mais par le milieu de l’opinion publique, qui ne règne que grâce à des institutions de liberté. Le libéralisme constitutionnel paraît à M. Buckle aussi favorable aux droits de l’esprit humain qu’à ceux des nations. Il ne donne pas dans le piège de cette sophistique invention que déjà Tacite reprochait à Tibère, et qui, opposant la vérité à la liberté, décernait à la première, parce qu’elle doit être toute-puissante sur l’esprit, la tyrannie sur les personnes. Le progrès par le despotisme