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nom il entend avec le froment toutes les céréales qui servaient à la consommation des hommes, comme le seigle et l’orge : à ce compte, le prix de 24 livres le setier est trop élevé, il doit être réduit au moins d’un quart pour représenter la valeur des céréales inférieures. La somme totale des produits obtenus par l’agriculture aurait été alors de 2 milliards 600 millions ou 100 francs environ par tête.

Nous possédons également sur l’état de l’agriculture à la fin de l’empire un document d’une autorité suffisante dans l’ouvrage de Chaptal, de l’Industrie française, publié en 1818. D’après Chaptal, le total des produits de l’agriculture s’élevait vers 1815 à 4 milliards 678 millions; mais, pour établir la comparaison entre ce chiffre et celui de Lavoisier, il faut y faire d’importantes rectifications. Lavoisier n’avait compris dans le produit total ni les semences, que Chaptal évalue à part à 381 millions, ni la consommation des animaux attachés à la ferme, que Chaptal évalue à 863 millions, ni le dépérissement et la mortalité de ces mêmes animaux, ni les poissons des marais et rivières, etc. Ces retranchemens s’élèvent ensemble à près de 1,400 millions. En ramenant les deux statistiques à des bases commîmes, on trouve pour le produit total annuel de l’agriculture à la fin de l’empire un peu plus de 3 milliards; ce produit ne se serait alors accru que de 500 millions en vingt-cinq ans, et il est probable que l’augmentation presque tout entière avait été obtenue sous le consulat; la république et l’empire n’auraient alors rien ou presque rien ajouté à la richesse territoriale de la France. Cette conséquence des recherches de Chaptal se trouve confirmée par un autre indice, le mouvement de la population. La population nationale était en 1790 de 26,500,000 âmes; elle était en 1815 de 29,500,000; différence, 3 millions, ou proportionnellement moins que l’augmentation signalée dans les produits de l’agriculture.

L’industrie s’était développée plus vite, mais sans faire encore de bien grands pas. Un document fort curieux, retrouvé par M. Moreau de Jonnès dans ses infatigables recherches sur l’histoire de la statistique, et qui émane de M. de Tolosan, alors inspecteur général du commerce, nous apprend que le produit total de l’industrie française en 1789 pouvait être évalué à 930 millions, y compris la valeur des matières premières. L’exposé de la situation de l’empire en 1812, publié par M. de Montalivet, ministre de l’intérieur, porte le produit correspondant, pour les quatre-vingt-six départemens de l’ancienne France, à 1,325 millions : augmentation, 400 millions seulement. Quant au commerce extérieur, il était tout au plus en 1815 au même point qu’en 1789, le développement du trafic par terre ayant à peine compensé la perte de tout commerce maritime. Il ne peut rester aucun doute sur ce point, quand on lit le passage suivant de l’introduction au livre de Chaptal : « En comparant l’état commercial de