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DE
L’AMOUR ET DU MARIAGE
SELON M. MICHELET.

L’Amour, par J. Michelet; 1 vol. in-12. Paris, Hachette.



Si l’on me demandait quelle est la plus grande imagination de ce temps-ci, je nommerais sans hésiter M. Michelet. D’autres écrivains peuvent avoir une imagination plus forte; aucun n’en possède une aussi abondante, aussi riche, aussi variée, aussi souple. L’imagination n’est pas chez lui une des facultés de l’esprit, elle est sa nature tout entière ; elle vibre avec ses nerfs, circule avec son sang, s’irrite avec sa bile, bat avec son cœur, accompagne chacun des mouvemens de sa mobile, changeante et charmante personnalité. On dirait que son être entier, corps et âme, a été pétri par l’imagination, et disposé par elle pour être le réceptacle de ses inépuisables rêveries et de ses brillantes images. Le pauvre Henri Heine, essayant d’expliquer à ses compatriotes le talent de M. Michelet, disait qu’il avait une nature d’Hindou : mot profond, et le plus vrai qu’on ait prononcé sur lui. Il est Hindou dans tous les sens, non-seulement par sa subtilité analytique, par sa sympathie minutieuse, par sa tendresse féminine, mais surtout par sa prodigieuse facilité de métamorphoses. Son esprit réalise toutes les merveilles de la métempsycose brahmanique. Essayons de pénétrer jusque dans son essence cette nature originale; le sujet en vaut la peine, car M. Michelet représente une des formes les plus rares de l’imagination.