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justification en étaient le fondement et comme la substance. On ne pouvait lui rendre un plus mauvais service que d’appeler son attention sur les faits matériels consignés dans l’Écriture, car il ne pouvait alors se défendre de soumettre le texte au contrôle de la critique, et le sens littéral le satisfaisait rarement. Il rencontra un jour le docteur Arnold, qui, avec la sincérité d’un homme inébranlable dans sa foi, lui dit qu’il ne fallait pas s’inquiéter des récits bibliques qui contrariaient la science, que par exemple le déluge était mythique, et qu’il y avait de la poésie dans les premières époques de l’histoire sainte. Un tel aveu n’était pas pour lui rendre le courage de croire à la lettre de l’Écriture, et décidément l’Ancien Testament perdit, ainsi que les trois premiers Évangiles, presque toute autorité sur son esprit. Arrivé là, on croirait que M. Newman n’a plus qu’à cesser d’être chrétien : nullement. « Saint Paul, dit-il, n’avait pas prêché la Bible, mais le Christ. » C’était assez, et ce qui restait intact du récit des synoptiques, celui de saint Jean, la déclaration de saint Pierre, témoignaient assez du caractère surnaturel de la personne et des œuvres de Jésus. Cette foi lui suffit assez longtemps ; mais, pour en faire crouler l’édifice, « il n’eut, dit-il, qu’à examiner, suivant les règles ordinaires de la critique, le témoignage des écrivains sacrés. » Quelles étaient leurs croyances antérieures ? quels étaient leurs préjugés ? De quel genre de preuves leur esprit était-il touché ? Les procédés de leur intelligence, leurs idées en matière d’exactitude historique ou de phénomènes naturels, leurs intentions en écrivant, la manière dont leurs écrits ont été recueillis, tout, dès qu’on prend l’Écriture comme le monument purement humain de la vérité divine, devient problème, et tout ouvre accès aux interprétations les plus libres. Enfin M. Newman dut s’avouer à lui-même qu’il renonçait à toute foi de seconde main. Dès qu’on a touché ce point, il semble qu’il ne devrait plus subsister du christianisme que sa beauté morale : elle seule en effet se soutient par elle-même, indépendante de toute déférence à l’autorité et à la tradition. C’est en prenant pour guide le sentiment moral que M. Newman révisa tous les articles de la foi chrétienne, et nous faisons grâce au lecteur de la longue série de critiques et d’objections, quelques-unes graves et neuves, d’autres usées ou légères, qui l’amenèrent peu à peu à cette conséquence inévitable, son point de départ étant donné, que l’histoire, simple témoignage de faits qui en cette qualité même ne peuvent avoir un caractère de pureté absolue, ne saurait faire partie de la religion. Ici M. Newman arrivait sur le terrain des unitairiens, et, s’il y était resté, il aurait pu encore demeurer chrétien. On sait que beaucoup d’entre eux, en écartant tout élément surnaturel du récit évangélique, conservent pour le Christ tant d’admiration,