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commune et des biens communaux, et en lui décernant les honneurs de la lutte, l’Académie a reconnu qu’il était allé assez loin. En effet, ce qu’il importait de mettre en lumière, c’est surtout le passage de la société gallo-romaine à la société barbare, c’est le fait de la conquête et les conséquences qu’il a entraînées pour les biens communaux.

Sous la domination romaine, la commune, la cité ou le municipe avait son organisation complète, son administration spéciale et ses biens. La cité romaine avait son conseil délibérant, sa curie, composée de citoyens choisis par l’élection, son pouvoir exécutif, confié à des duumvirs pris au sein du collège municipal. Les duumvirs ressemblaient déjà beaucoup aux maires de nos jours. Comme eux, ils présidaient le conseil ; comme eux aussi, ils exerçaient par délégation de l’autorité supérieure certaines fonctions étrangères au pouvoir municipal proprement dit. Venaient ensuite un curateur, chargé de la police municipale, et un défenseur de la cité, mandataire légal de la commune en justice, et investi plus spécialement de la police judiciaire. À cette agence collective succédera un jour l’unité du pouvoir exécutif : toutes ces fonctions seront remises à un seul agent, le maire ; mais pour longtemps encore le mécanisme administratif de la cité devait s’offrir avec cette complication primitive. Un gouverneur de la province représentait l’autorité centrale, et exerçait sur la curie une certaine surveillance. Sous ce régime, qui a servi de type à l’organisation des communes dans les siècles suivans, l’administration locale était largement représentative, et jouissait d’une grande indépendance d’action. La curie et ses magistrats administraient les biens ; la curie était appelée à délibérer sur la vente, sur la location des biens et sur toutes les transactions dont ils pouvaient être l’objet. On ne voit pas que l’autorité supérieure intervînt pour sanctionner les locations même perpétuelles. Il faut remarquer d’ailleurs la condition particulière des magistrats municipaux à cette époque : ils donnaient caution, et répondaient, eux et leurs héritiers, de leur gestion. La curie et les magistrats municipaux répondaient même de la collecte de l’impôt. Or l’impôt, c’était la grande affaire du gouvernement romain. La mission du gouverneur de la province consistait surtout à le faire rentrer dans les caisses de l’état : s’il est juge en appel des difficultés électorales, c’est parce qu’il importe avant tout que les administrateurs élus soient solvables. Quand le contribuable épuisé prend la fuite, les magistrats municipaux paient pour lui ; cela paraissait plus commode et plus sûr. Sous Louis XIV, on a vu encore des communautés contraintes à payer en bloc le montant de la taille ; seulement, usant des privilèges du temps, les magistrats municipaux étaient parvenus